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SECONDE PARTIE. — CHAPITRE XVI.


convinrent donc que la Russie garderait les trois provinces dont nous venons de parler, et que la Porte-Ottomane aurait Casbin, Tauris, Érivan, outre ce qu’elle prenait alors sur l’usurpateur de la Perse, Ainsi ce beau royaume était à la fois démembré par les Russes, par les Turcs, et par les Persans mêmes.

L’empereur Pierre régna ainsi jusqu’à sa mort du fond de la mer Baltique par delà les bornes méridionales de la mer Caspienne. La Perse continua d’être la proie des révolutions et des ravages. Les Persans, auparavant riches et polis, furent plongés dans la misère et dans la barbarie, tandis que la Russie parvint de la pauvreté et de la grossièreté à l’opulence et à la politesse. Un seul homme, parce qu’il avait un génie actif et ferme, éleva sa patrie ; et un seul homme, parce qu’il était faible et indolent, fit tomber la sienne.

Nous sommes encore très-mal informés du détail de toutes les calamités qui ont désolé la Perse si longtemps ; on a prétendu que le malheureux Sha-Hussein fut assez lâche pour mettre lui-même sa mitre persane, ce que nous appelons la couronne, sur la tête de l’usurpateur Mahmoud. On dit que ce Mahmoud tomba ensuite en démence : ainsi un imbécile et un fou décidèrent du sort de tant de milliers d’hommes. On ajoute que Mahmoud tua de sa main, dans un accès de folie, tous les fils et les neveux de Sha-Hussein, au nombre de cent, qu’il se fit réciter l’évangile de saint Jean sur la tête pour se purifier et pour se guérir. Ces contes persans ont été débités par nos moines, et imprimés à Paris.

Ce tyran, qui avait assassiné son oncle, fut enfin assassiné à son tour par son neveu Eshreff, qui fut aussi cruel et aussi tyran que Mahmoud.

Le sha Thamaseb implora toujours l’assistance de la Russie. C’est ce même Thamaseb ou Thamas, secouru depuis et rétabli parle célèbre Kouli-Kan, et ensuite détrôné par Kouli-Kan même.

Ces révolutions et les guerres que la Russie eut ensuite à soutenir contre les Turcs dont elle fut victorieuse, l’évacuation des trois provinces de Perse, qui coûtaient à la Russie beaucoup plus qu’elles ne rendaient, ne sont pas des événements qui concernent Pierre le Grand : ils n’arrivèrent que plusieurs années après sa mort ; il suffit de dire qu’il finit sa carrière militaire par ajouter trois provinces à son empire du côté de la Perse, lorsqu’il venait d’en ajouter trois autres vers les frontières de la Suède.