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AUTELS.

le simulacre de Dieu ? quel temple lui bâtirons-nous, quand le monde, qui est son ouvrage, ne peut le contenir ? comment enfermerai-je la puissance d’une telle majesté dans une seule maison ? Ne vaut-il pas bien mieux lui consacrer un temple dans notre esprit et dans notre cœur. — Putatis autem nos occultare quod colimus, si delubra et aras non habemus ? Quod enim simulacrum Deo fingam, quum, si recte existimes, sit Dei homo ipse simulacrum ? templum quod ei exstruam, quum totus hic mundus, ejus opere fabricatus, eum capere non possit ? et quum homo latius maneam, intra unam ædiculam vim tantæ majestatis includam ? Nonne melius in nostra dedicandus est mente ; in nostro imo consecrandus est pectore ? » (Cap. xxxii.)

Les chrétiens n’eurent donc des temples que vers le commencement du règne de Dioclétien. L’Église était alors très-nombreuse. On avait besoin de décorations et de rites, qui auraient été jusque-là inutiles et même dangereux à un troupeau faible, longtemps méconnu, et pris seulement pour une petite secte de Juifs dissidents.

Il est manifeste que, dans le temps où ils étaient confondus avec les Juifs, ils ne pouvaient obtenir la permission d’avoir des temples. Les Juifs, qui payaient très-chèrement leurs synagogues, s’y seraient opposés ; ils étaient mortels ennemis des chrétiens, et ils étaient riches. Il ne faut pas dire, avec Toland, qu’alors les chrétiens ne faisaient semblant de mépriser les temples et les autels que comme le renard disait que les raisins étaient trop verts.

Cette comparaison semble aussi injuste qu’impie, puisque tous les premiers chrétiens de tant de pays différents s’accordèrent à soutenir qu’il ne faut point de temples et d’autels au vrai Dieu.

La Providence, en faisant agir les causes secondes, voulut qu’ils bâtissent un temple superbe dans Nicomédie, résidence de l’empereur Dioclétien, dès qu’ils eurent la protection de ce prince. Ils en construisirent dans d’autres villes ; mais ils avaient encore en horreur les cierges, l’encens, l’eau lustrale, les habits pontificaux : tout cet appareil imposant n’était alors à leurs yeux que marque distinctive du paganisme. Ils n’adoptèrent ces usages que peu à peu, sous Constantin et sous ses successeurs ; et ces usages ont souvent changé.

Aujourd’hui dans notre Occident, les bonnes femmes qui entendent le dimanche une messe basse en latin, servie par un petit garçon, s’imaginent que ce rite a été observé de tout temps, qu’il n’y en a jamais eu d’autre, et que la coutume de s’assembler dans d’autres pays pour prier Dieu en commun est diabolique et