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CELTES.

Nous n’avons rien appris de nos ancêtres que par le peu de mots que Jules César, leur conquérant, a daigné en dire. Il commence ses Commentaires par distinguer toutes les Gaules en Belges, Aquitainiens, et Celtes.

De là quelques fiers savants ont conclu que les Celtes étaient les Scythes, et dans ces Scythes-Celtes ils ont compris toute l’Europe. Mais pourquoi pas toute la terre ? pourquoi s’arrêter en si beau chemin ?

On n’a pas manqué de nous dire que Japhet, fils de Noé, vint au plus vite au sortir de l’arche peupler de Celtes toutes ces vastes contrées, qu’il gouverna merveilleusement bien. Mais des auteurs plus modestes rapportent l’origine de nos Celtes à la tour de Babel, à la confusion des langues, à Gomer, dont jamais personne n’entendit parler, jusqu’au temps très-récent où quelques Occidentaux lurent le nom de Gomer dans une mauvaise traduction des Septante.

Et voilà justement comme on écrit l’histoire[1].

Bochart, dans sa Chronologie sacrée (quelle chronologie !), prend un tour fort différent : il fait de ces hordes innombrables de Celtes une colonie égyptienne, conduite habilement et facilement des bords fertiles du Nil par Hercule dans les forêts et dans les marais de la Germanie, où sans doute ces colons portèrent tous les arts, la langue égyptienne, et les mystères d’Isis, sans qu’on ait pu jamais en retrouver la moindre trace.

Ceux-là m’ont paru avoir encore mieux rencontré, qui ont dit que les Celtes des montagnes du Dauphiné étaient appelés Cottiens de leur roi Cottius ; les Bérichons, de leur roi Bétrich ; les Welches ou Gaulois, de leur roi Vallus ; les Belges, de Balgen, qui veut dire hargneux.

Une origine encore plus belle, c’est celle des Celtes-Pannoniens, du mot latin Pannus, drap, attendu, nous dit-on, qu’ils se vêtissaient de vieux morceaux de drap mal cousus, assez ressemblants à l’habit d’Arlequin, Mais la meilleure origine est sans contredit la tour de Babel.

Ô braves et généreux compilateurs, qui avez tant écrit sur des hordes de sauvages qui ne savaient ni lire ni écrire, j’admire votre laborieuse opiniâtreté ! Et vous, pauvres Celtes-Welches, permettez-moi de vous dire, aussi bien qu’aux Huns, que des gens

  1. Charlot, I, vii.