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CLIMAT.

temple serait un lieu d’infection abominable si on ne le purifiait pas continuellement : et sans le secours des aromates, la religion des anciens aurait apporté la peste. On ornait même l’intérieur des temples de festons de fleurs pour rendre l’air plus doux.

On ne sacrifiera point la vache dans le pays brûlant de la presqu’île des Indes, parce que cet animal, qui nous fournit un lait nécessaire, est très-rare dans une campagne aride, que sa chair y est sèche, coriace, très-peu nourrissante, et que les brachmanes feraient très-mauvaise chère. Au contraire, la vache deviendra sacrée, attendu sa rareté et son utilité.

On n’entrera que pieds nus dans le temple de Jupiter-Ammon, où la chaleur est excessive : il faudra être bien chaussé pour faire ses dévotions à Copenhague.

Il n’en est pas ainsi du dogme. On a cru au polythéisme dans tous les climats ; et il est aussi aisé à un Tartare de Crimée qu’à un habitant de la Mecque de reconnaître un Dieu unique, incommunicable, non engendré et non engendreur. C’est par le dogme encore plus que par les rites qu’une religion s’étend d’un climat à un autre. Le dogme de l’unité de Dieu passa bientôt de Médine au mont Caucase ; alors le climat cède à l’opinion.

Les Arabes dirent aux Turcs : « Nous nous faisions circoncire en Arabie sans savoir trop pourquoi ; c’était une ancienne mode des prêtres d’Égypte d’offrir à Oshireth ou Osiris une petite partie de ce qu’ils avaient de plus précieux. Nous avions adopté cette coutume trois mille ans avant d’être mahométans. Vous serez circoncis comme nous ; vous serez obligés comme nous de coucher avec une de vos femmes tous les vendredis, et de donner par an deux et demi pour cent de votre revenu aux pauvres. Nous ne buvons que de l’eau et du sorbet ; toute liqueur enivrante nous est défendue ; elles sont pernicieuses en Arabie. Vous embrasserez ce régime, quoique vous aimiez le vin passionnément, et que même il vous soit souvent nécessaire sur les bords du Phase et de l’Araxe. Enfin, si vous voulez aller au ciel, et y être bien placés, vous prendrez le chemin de la Mecque. »

Les habitants du nord du Caucase se soumettent à ces lois, et embrassent dans toute son étendue une religion qui n’était pas faite pour eux.

En Égypte, le culte emblématique des animaux succéda aux dogmes de Thaut. Les dieux des Romains partagèrent ensuite l’Égypte avec les chiens, les chats et les crocodiles. À la religion romaine succéda le christianisme ; il fut entièrement chassé par