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CONFESSION.

Le conseiller d’État Lénet rapporte, dans ses Mémoires[1] que tout ce qu’il put obtenir en Bourgogne pour faire soulever les peuples en faveur du prince de Condé, détenu à Vincennes par le Mazarin, « fut de lâcher des prêtres dans les confessionnaux ». C’est en parler comme de chiens enragés qui pouvaient souffler la rage de la guerre civile dans le secret du confessionnal.

Au siége de Barcelone, les moines refusèrent l’absolution à tous ceux qui restaient fidèles à Philippe V.

Dans la dernière révolution de Gênes, on avertissait toutes les consciences qu’il n’y avait point de salut pour quiconque ne prendrait pas les armes contre les Autrichiens.

Ce remède salutaire se tourna de tout temps en poison. Les assassins des Sforces, des Médicis, des princes d’Orange, des rois de France, se préparèrent aux parricides par le sacrement de la confession.

Louis XI, la Brinvilliers, se confessaient dès qu’ils avaient commis un grand crime, et se confessaient souvent, comme les gourmands prennent médecine pour avoir plus d’appétit.


DE LA RÉVÉLATION DE LA CONFESSION[2].


La réponse du jésuite Coton à Henri IV durera plus que l’ordre des jésuites. « Révéleriez-vous la confession d’un homme résolu de m’assassiner ? — Non ; mais je me mettrais entre vous et lui. »

On n’a pas toujours suivi la maxime du P. Coton. Il y a dans quelques pays des mystères d’État inconnus au public, dans lesquels les révélations des confessions entrent pour beaucoup. On sait, par le moyen des confesseurs attitrés, les secrets des prisonniers. Quelques confesseurs, pour accorder leur intérêt avec le sacrilége, usent d’un singulier artifice. Ils rendent compte, non pas précisément de ce que le prisonnier leur a dit, mais de ce qu’il ne leur a pas dit. S’ils sont chargés, par exemple, de savoir si un accusé a pour complice un Français ou un Italien, ils disent à l’homme qui les emploie : Le prisonnier m’a juré qu’aucun Italien n’a été informé de ses desseins. De là on juge que c’est le Français soupçonné qui est coupable.

  1. Mémoires pour l’histoire des guerres civiles des années 1649 et suivantes, par Pierre Lénet, sans indication de lieu. 1720, 2 volumes in-12. (E. B.)
  2. En 1771, dans la quatrième partie des Questions sur l’Encyclopédie, le commencement de ce morceau était la répétition du paragraphe xvi du Commentaire sur le livre Des Délits et des Peines, moins les deux premiers alinéas. Voyez Mélanges, année 1766. (B.)