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CONFISCATION.


CONFIANCE EN SOI-MÊME[1].




CONFISCATION[2].


On a très bien remarqué dans le Dictionnaire Encyclopédique, à l’article Confiscation, que le fisc, soit public, soit royal, soit seigneurial, soit impérial, soit déloyal, était un petit panier de jonc ou d’osier, dans lequel on mettait autrefois le peu d’argent qu’on avait pu recevoir ou extorquer. Nous nous servons aujourd’hui de sacs ; le fisc royal est le sac royal.

C’est une maxime reçue dans plusieurs pays de l’Europe qui confisque le corps confisque les biens. Cet usage est surtout établi dans les pays où la coutume tient lieu de loi ; et une famille entière est punie dans tous les cas pour la faute d’un seul homme.

Confisquer le corps n’est pas mettre le corps d’un homme dans le panier de son seigneur suzerain ; c’est, dans le langage barbare du barreau, se rendre maître du corps d’un citoyen, soit pour lui ôter la vie, soit pour le condamner à des peines aussi longues que la vie : on s’empare de ses biens si on le fait périr, ou s’il évite la mort par la fuite.

Ainsi ce n’est pas assez de faire mourir un homme pour ses fautes, il faut encore faire mourir de faim ses enfants.

La rigueur de la coutume confisque, dans plus d’un pays, les biens d’un homme qui s’est arraché volontairement aux misères de cette vie ; et ses enfants sont réduits à la mendicité parce que leur père est mort.

Dans quelques provinces catholiques romaines, on condamne aux galères perpétuelles, par une sentence arbitraire, un père de famille[3] soit pour avoir donné retraite chez soi à un prédicant, soit pour avoir écouté son sermon dans quelque caverne ou dans quelque désert : alors la femme et les enfants sont réduits à mendier leur pain.

Cette jurisprudence, qui consiste à ravir la nourriture aux orphelins et à donner à un homme le bien d’autrui, fut inconnue

  1. Sous ce titre, Voltaire avait reproduit, dans ses Questions sur l’Encyclopédie, son conte ou roman de Memnon.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, quatrième partie, 1771. (B.)
  3. Voyez l’édit de 1724, 14 mai, publié à la sollicitation du cardinal de Fleury et revu par lui. (Note de Voltaire.)