Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
240
CONSEILLER OU JUGE.


— Çà, dis-moi un peu, cher aumônier, repartit l’anabaptiste, es-tu dominicain, ou jésuite, ou diable ?

— Je suis jésuite, dit l’autre.

— Eh ! mon ami, si tu n’es pas diable, pourquoi dis-tu des choses si diaboliques ?

— C’est que le révérend père recteur m’a ordonné de les dire.

— Et qui a ordonné cette abomination au révérend père recteur ?

— C’est le provincial.

— De qui le provincial a-t-il reçu cet ordre ?

— De notre général, et le tout pour plaire[1] à un plus grand seigneur que lui. »

Dieux de la terre, qui avec trois doigts avez trouvé le secret de vous rendre maîtres d’une grande partie du genre humain, si dans le fond du cœur vous avouez que vos richesses et votre puissance ne sont point essentielles à votre salut et au nôtre, jouissez-en avec modération. Nous ne voulons pas vous démitrer, vous détiarer ; mais ne nous écrasez pas. Jouissez, et laissez-nous paisibles ; démêlez vos intérêts avec les rois, et laissez-nous nos manufactures.


CONSEILLER ou JUGE[2].


Bartolomé.

Quoi ! il n’y a que deux ans que vous étiez au collége, et vous voilà déjà conseiller de la cour de Naples ?

  1. Variante. Pour plaire au pape. »

    Le pauvre anabaptiste s’écria : « Sacrés papes qui êtes à Rome sur le trône des Césars, archevêques, évêques, abbés devenus souverains, je vous respecte et je vous fuis. Mais si dans le fond du cœur vous avouez que vos richesses et votre puissance ne sont fondées que sur l’ignorance et la bêtise de nos pères, jouissez-en du moins avec modération. Nous ne voulons point vous détrôner, mais ne nous écrasez pas. Jouissez, et laissez-nous paisibles. Sinon craignez qu’à la fin la patience n’échappe aux peuples, et qu’on ne vous réduise, pour le bien de vos âmes, à la condition des apôtres, dont vous prétendez être les successeurs.

    — Ah, misérable ! tu voudrais que le pape et l’évêque de Vurtzbourg gagnassent le ciel par la pauvreté évangélique !

    — Ah, mon révérend père, tu voudrais me faire pendre ! »

  2. Questions sur l’Encyclopédie, quatrième partie, 1771. (B.)