Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
249
CONSTANTIN.

une guerre de religion, que Constantin n’était pas un saint, qu’il est mort soupçonné d’être arien, après avoir persécuté les orthodoxes ; et qu’ainsi on n’a pas un intérêt bien évident à soutenir ce prodige.

Après sa victoire, le sénat s’empressa d’adorer le vainqueur et de détester la mémoire du vaincu. On se hâta de dépouiller l’arc de triomphe de Marc-Aurèle pour orner celui de Constantin ; on lui dressa une statue d’or, ce qu’on ne faisait que pour les dieux ; il la reçut malgré le Labarum, et reçut encore le titre de grand-pontife, qu’il garda toute sa vie. Son premier soin, à ce que disent Zonare et Zosime, fut d’exterminer toute la race du tyran et ses principaux amis ; après quoi il assista très-humainement aux spectacles et aux jeux publics.

Le vieux Dioclétien était mourant alors dans sa retraite de Salone. Constantin aurait pu ne se pas tant presser d’abattre ses images dans Rome ; il eût pu se souvenir que cet empereur oublié avait été le bienfaiteur de son père, et qu’il lui devait l’empire. Vainqueur de Maxence, il lui restait à se défaire de Licinius, son beau-frère, auguste comme lui ; et Licinius songeait à se défaire de Constantin, s’il pouvait. Cependant leurs querelles n’éclatant pas encore, ils donnèrent conjointement, en 313, à Milan, le fameux édit de liberté de conscience. « Nous donnons, disent-ils, à tout le monde la liberté de suivre telle religion que chacun voudra, afin d’attirer la bénédiction du ciel sur nous et sur tous nos sujets ; nous déclarons que nous avons donné aux chrétiens la faculté libre et absolue d’observer leur religion ; bien entendu que tous les autres auront la même liberté, pour maintenir la tranquillité de notre règne. » On pourrait faire un livre sur un tel édit ; mais je ne veux pas seulement y hasarder deux lignes.

Constantin n’était pas encore chrétien. Licinius, son collègue, ne l’était pas non plus. Il y avait encore un empereur ou un tyran à exterminer : c’était un païen déterminé, nommé Maximin. Licinius le combattit avant de combattre Constantin. Le ciel lui fut encore plus favorable qu’à Constantin même, car celui-ci n’avait eu que l’apparition d’un étendard, et Licinius eut celle d’un ange. Cet ange lui apprit une prière avec laquelle il vaincrait sûrement le barbare Maximin. Licinius la mit par écrit, la fit réciter trois fois à son armée, et remporta une victoire complète. Si ce Licinius, beau-frère de Constantin, avait régné heureusement, on n’aurait parlé que de son ange ; mais Constantin l’ayant fait pendre, ayant égorgé son jeune fils, étant devenu maître absolu de tout, on ne parle que du Labarum de Constantin.