Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
324
DÉCRÉTALES.

d’autant plus grandes que les évêques tiennent un plus grand rang dans l’Église. Direz-vous qu’il n’y a que les affaires des métropolitains qui soient des causes majeures ? Mais ils ne sont pas d’un autre ordre que les évêques, et nous n’exigeons pas des témoins ou des juges d’autre qualité pour les uns et pour les autres : c’est pourquoi nous voulons que les causes des uns et des autres nous soient réservées. Et ensuite, se trouvera-t-il quelqu’un assez déraisonnable pour dire que l’on doive conserver à toutes les Églises leurs priviléges, et que la seule Église romaine doit perdre les siens ? » Il conclut en leur ordonnant de recevoir Rotade, et de le rétablir.

Le pape Adrien II, successeur de Nicolas Ier, ne paraît pas moins zélé dans une affaire semblable d’Hincmar de Laon. Ce prélat s’était rendu odieux au clergé et au peuple de son diocèse par ses injustices et ses violences. Ayant été accusé au concile de Verberie, en 869, où présidait Hincmar de Reims, son oncle et son métropolitain, il appela au pape, et demanda la permission d’aller à Rome : elle lui fut refusée. On suspendit seulement la procédure, et on ne passa pas outre. Mais sur de nouveaux sujets de plaintes que le roi Charles le Chauve et Hincmar de Reims eurent contre lui, on le cita d’abord au concile d’Attigny, où il comparut, et bientôt après il prit la fuite ; ensuite au concile de Douzy, où il renouvela son appel, et fut déposé. Le concile écrivit au pape une lettre synodale le 6 septembre 871, pour lui demander la confirmation des actes qu’il lui envoyait ; et, loin d’aquiescer au jugement du concile, Adrien désapprouva dans les termes les plus forts la condamnation d’Hincmar, soutenant que puisque Hincmar de Laon criait dans le concile qu’il voulait se défendre devant le saint-siége, il ne fallait pas prononcer de condamnation contre lui. Ce sont les termes de ce pape dans sa lettre aux évêques du concile, et dans celle qu’il écrivit au roi.

Voici la réponse vigoureuse que Charles fit à Adrien : « Vos lettres portent : « Nous voulons et nous ordonnons, par l’autorité apostolique, qu’Hincmar de Laon vienne à Rome et devant nous, appuyé de votre puissance. » Nous admirons où l’auteur de cette lettre a trouvé qu’un roi, obligé à corriger les méchants et à venger les crimes, doive envoyer à Rome un coupable condamné selon les règles, vu principalement qu’avant sa déposition il a été convaincu dans trois conciles d’entreprises contre le repos public, et qu’après sa déposition il persévéra dans sa désobéissance.

« Nous sommes obligés de vous écrire encore que, nous autres rois de France, nés de race royale, n’avons point passé jusqu’à