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DÉLUGE UNIVERSEL.

Voilà donc deux nouveaux océans pour couvrir, seulement de cinq cents pieds, le globe terraqué.

En ne donnant aux montagnes que vingt mille pieds de hauteur, ce serait donc quarante océans de cinq cents pieds de hauteur chacun qu’il serait nécessaire d’établir les uns sur les autres, pour égaler seulement la cime des hautes montagnes. Chaque océan supérieur contiendrait tous les autres, et le dernier de tous ces océans serait d’une circonférence qui contiendrait quarante fois celle du premier.

Pour former cette masse d’eau, il aurait fallu la créer du néant. Pour la retirer, il aurait fallu l’anéantir.

Donc l’événement du déluge est un double miracle, et le plus grand qui ait jamais manifesté la puissance de l’éternel souverain de tous les globes.

Nous sommes très-surpris que des savants aient attribué à ce déluge quelques coquilles répandues cà et là sur notre continent[1].

Nous sommes encore plus surpris de ce que nous lisons à l’article Déluge du Grand Dictionnaire encyclopédique ; on y cite un auteur qui dit des choses si profondes[2] qu’on les prendrait pour creuses. C’est toujours Pluche ; il prouve la possibilité du déluge par l’histoire des géants qui firent la guerre aux dieux.

Briarée, selon lui, est visiblement le déluge, car il signifie la perte de la sérénité ; et en quelle langue signifie-t-il cette perte ? en hébreu. Mais Briarée est un mot grec qui veut dire robuste. Ce n’est point un mot hébreu. Quand par hasard il le serait, gardons-nous d’imiter Bochart, qui fait dériver tant de mots grecs, latins, français même, de l’idiome hébraïque. Il est certain que les Grecs ne connaissaient pas plus l’idiome juif que la langue chinoise.

Le géant Othus est aussi en hébreu, selon Pluche, le dérangement des saisons. Mais c’est encore un mot grec qui ne signifie rien, du moins que je sache ; et quand il signifierait quelque chose, quel rapport, s’il vous plaît, avec l’hébreu ?

Porphyrion est un tremblement de terre en hébreu ; mais en grec, c’est du porphyre. Le déluge n’a que faire là.

Mimas, c’est une grande pluie ; pour le coup en voilà une qui peut avoir quelque rapport au déluge. Mais en grec mimas veut

  1. Voyez le chapitre xiii Des Singularités de la nature (Mélanges, année 1768).
  2. Histoire du ciel, tome I, depuis la page 105. (Note de Voltaire.)