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DIEU, DIEUX.

autres dieux ; il attache Junon à une chaîne ; il chasse Apollon du ciel.

L’ancienne religion des brachmanes, la première qui admit des créatures célestes, la première qui parla de leur rébellion, s’explique d’une manière sublime sur l’unité et la puissance de Dieu, comme nous l’avons vu à l’article Ange.

Les Chinois, tout anciens qu’ils sont, ne viennent qu’après les Indiens ! ils ont reconnu un seul Dieu de temps immémorial ; point de dieux subalternes, point de génies ou démons médiateurs entre Dieu et les hommes, point d’oracles, point de dogmes abstraits, point de disputes théologiques chez les lettrés ; l’empereur fut toujours le premier pontife, la religion fut toujours auguste et simple : c’est ainsi que ce vaste empire, quoique subjugué deux fois, s’est toujours conservé dans son intégrité, qu’il a soumis ses vainqueurs à ses lois, et que, malgré les crimes et les malheurs attachés à la race humaine, il est encore l’État le plus florissant de la terre.

Les mages de Chaldée, les Sabéens, ne reconnaissaient qu’un seul Dieu suprême, et l’adoraient dans les étoiles qui sont son ouvrage.

Les Persans l’adoraient dans le soleil. La sphère posée sur le frontispice du temple de Memphis était l’emblème d’un Dieu unique et parfait, nommé Knef par les Égyptiens.

Le titre de Deus optimus maximus n’a jamais été donné par les Romains qu’au seul Jupiter.

Hominum sator atque deorum[1].

On ne peut trop répéter[2] cette grande vérité que nous indiquons ailleurs[3].

Cette adoration d’un Dieu suprême est confirmée depuis Romulus jusqu’à la destruction entière de l’empire, et à celle de sa religion. Malgré toutes les folies du peuple qui vénérait des dieux secondaires et ridicules, et malgré les épicuriens qui au fond n’en reconnaissaient aucun, il est avéré que les magistrats et les sages adorèrent dans tous les temps un Dieu souverain.

  1. Virg., Æneid., I, 258 ; et XI, 725.
  2. Voyez tome XI, page 147 ; et dans les Mélanges, année 1769, la Canonisation de saint Cucufin, et chapitre xiii de Dieu et les Hommes.
  3. Le prétendu Jupiter, né en Crète, n’était qu’une fable historique, ou poétique, comme celle des autres dieux. Jovis, depuis Jupiter, était la traduction du mot grec Zeus ; et Zeus était la traduction du mot phénicien Jehova. (Note de Voltaire.)