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DIEU, DIEUX.
Logomacos.

On a bien de la peine avec ces têtes dures. Allons pied à pied : qu’est-ce que Dieu ?

Dondindac.

Mon souverain, mon juge, mon père.

Logomacos.

Ce n’est pas là ce que je demande. Quelle est sa nature ?

Dondindac.

D’être puissant et bon.

Logomacos.

Mais, est-il corporel ou spirituel ?

Dondindac.

Comment voulez-vous que je le sache ?

Logomacos.

Quoi ! tu ne sais pas ce que c’est qu’un esprit ?

Dondindac.

Pas le moindre mot : à quoi cela me servirait-il ? en serais-je plus juste ? serais-je meilleur mari, meilleur père, meilleur maître, meilleur citoyen ?

Logomacos.

Il faut absolument t’apprendre ce que c’est qu’un esprit : c’est, c’est, c’est... Je te dirai cela une autre fois.

Dondindac.

J’ai bien peur que vous ne me disiez moins ce qu’il est que ce qu’il n’est pas. Permettez-moi de vous faire à mon tour une question. J’ai vu autrefois un de vos temples : pourquoi peignez-vous Dieu avec une grande barbe ?

Logomacos.

C’est une question très-difficile, et qui demande des instructions préliminaires.

Dondindac.

Avant de recevoir vos instructions, il faut que je vous conte ce qui m’est arrivé un jour. Je venais de faire bâtir un cabinet au bout de mon jardin ; j’entendis une taupe qui raisonnait avec un hanneton : « Voilà une belle fabrique, disait la taupe ; il faut que ce soit une taupe bien puissante qui ait fait cet ouvrage. — Vous vous moquez, dit le hanneton ; c’est un hanneton tout plein de génie qui est l’architecte de ce bâtiment. » Depuis ce temps-là j’ai résolu de ne jamais disputer.