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DROIT CANONIQUE.


Personne non plus ne peut rien tenir sur la terre de la religion, ni domaines, ni possessions, puisque ses biens sont tous spirituels : les possessions du fidèle, comme véritable membre de l’Église, sont dans le ciel : là est son trésor. Le royaume de Jésus-Christ, qu’il annonça toujours comme prochain, n’était et ne pouvait être de ce monde : aucune possession ne peut donc être de droit divin.

Les lévites, sous la loi hébraïque, avaient, il est vrai, la dîme par une loi positive de Dieu : mais c’était une théocratie qui n’existe plus, et Dieu agissait comme le souverain de la terre. Toutes ces lois ont cessé, et ne sauraient être aujourd’hui un titre de possession.

Si quelque corps aujourd’hui, comme celui des ecclésiastiques, prétend posséder la dîme ou tout autre bien, de droit divin positif, il faut qu’il produise un titre enregistré dans une révélation divine, expresse et incontestable. Ce titre miraculeux ferait, j’en conviens, exception à la loi civile, autorisée de Dieu, qui dit[1] que « toute personne doit être soumise aux puissances supérieures, parce qu’elles sont ordonnées de Dieu, et établies en son nom ».

Au défaut d’un titre pareil, un corps ecclésiastique quelconque ne peut donc jouir sur la terre que du consentement du souverain, et sous l’autorité des lois civiles : ce sera là le seul titre de ses possessions. Si le clergé renonçait imprudemment à ce titre, il n’en aurait plus aucun, et il pourrait être dépouillé par quiconque aurait assez de puissance pour l’entreprendre. Son intérêt essentiel est donc de dépendre de la société civile, qui seule lui donne du pain.

Par la même raison, puisque tous les biens du territoire d’une nation sont soumis sans exception aux charges publiques pour les dépenses du souverain et de la nation, aucune possession ne peut être exemptée que par la loi, et cette loi même est toujours révocable lorsque les circonstances viennent à changer. Pierre ne peut être exempté que la charge de Jean ne soit augmentée. Ainsi l’équité réclamant sans cesse pour la proportion contre toute surcharge, le souverain est à chaque instant en droit d’examiner les exemptions et de remettre les choses dans l’ordre naturel et proportionnel, en abolissant les immunités accordées, souffertes, ou extorquées.

Toute loi qui ordonnerait que le souverain fît tout aux frais du public pour la sûreté et la conservation des biens d’un parti-

  1. Saint Paul. Rom., xiii, 1.