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ÉDUCATION.

pourtant pas que cette prérogative rendît leurs personnes plus sacrées dans les guerres de la Rose rouge et de la Rose blanche.

Les reines qui n’étaient que femmes de rois ne guérissaient pas les écrouelles, parce qu’elles n’étaient pas ointes aux mains comme les rois ; mais Élisabeth, reine de son chef, et ointe, les guérissait sans difficulté.

Il arriva une chose assez triste à Martorillo le Calabrois, que nous nommons saint François de Paule. Le roi Louis XI le fit venir au Plessis-lès-Tours pour le guérir des suites de son apoplexie ; le saint arriva avec les écrouelles : « Ipse fuit detentus gravi inflatura quam in parte inferiori genæ suæ dextræ circa guttur patiebatur. Chirurgi dicebant morbum esse scropharum. »

Le saint ne guérit point le roi, et le roi ne guérit point le saint.

Quand le roi d’Angleterre Jacques II fut reconduit de Rochester à Whitehall, on proposa de lui laisser faire quelque acte de royauté, comme de toucher les écrouelles ; il ne se présenta personne. Il alla exercer sa prérogative en France, à Saint-Germain, où il toucha quelques Irlandaises. Sa fille Marie, le roi Guillaume, la reine Anne, les rois de la maison de Brunswick, ne guérirent personne. Cette mode sacrée passa quand le raisonnement arriva.


ÉDUCATION[1].


DIALOGUE ENTRE UN CONSEILLER ET UN EX-JÉSUITE.


L’ex-jésuite.

Monsieur, vous voyez le triste état où la banqueroute de deux marchands missionnaires m’a réduit. Je n’avais assurément aucune correspondance avec frère La Valette[2] et frère Sacy ;

  1. Questions sur l’Encyclopédie, cinquième partie, 1771. (B.)
  2. Sur la banqueroute de La Valette et de Sacy, voyez, tome XVI, le chapitre lxviii de l’Histoire du Parlement. « Les jésuites, dit d’Alembert (Sur la Destruction des jésuites), faisaient le commerce à la Martinique ; la guerre leur ayant causé des pertes, ils voulurent faire banqueroute à leurs correspondants de Lyon et de Marseille ; un jésuite de France, à qui ses correspondants s’adressèrent pour avoir justice, leur parla comme le Rat retiré du monde :
    Mes amis, dit le solitaire,
    Les choses d’ici-bas ne me regardent plus, etc.
    Il leur offrit de dire la messe pour obtenir de Dieu, au lieu de l’argent qu’ils demandaient, la grâce de souffrir chrétiennement leur ruine. Ces négociants, volés et persiflés par les jésuites, les attaquèrent en justice réglée... » La Valette et Sacy furent condamnés le 19 novembre 1759 ; et la sentence fut déclarée exécutoire contre toute la société le 29 mai 1760.