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FACTION.

Il est très-vrai qu’il en coûte souvent pour s’exprimer avec clarté : il est vrai qu’on peut arriver au naturel par des efforts ; mais il est vrai aussi qu’un heureux génie produit souvent des beautés faciles sans aucune peine, et que l’enthousiasme va plus loin que l’art.

La plupart des morceaux passionnés de nos bons poëtes sont sortis achevés de leur plume, et paraissent d’autant plus faciles qu’ils ont en effet été composés sans travail ; l’imagination alors conçoit et enfante aisément. Il n’en est pas ainsi dans les ouvrages didactiques : c’est là qu’on a besoin d’art pour paraître facile. Il y a, par exemple, beaucoup moins de facilité que de profondeur dans l’admirable Essai sur l’homme de Pope.

On peut faire facilement de très-mauvais ouvrages qui n’auront rien de gêné, qui paraîtront faciles ; et c’est le partage de ceux qui ont, sans génie, la malheureuse habitude de composer. C’est en ce sens qu’un personnage de l’ancienne comédie, qu’on nomme italienne, dit à un autre :

Tu fais de méchants vers admirablement bien.

Le terme facile est une injure pour une femme, et est quelquefois dans la société une louange pour un homme ; c’est souvent un défaut dans un homme d’État, Les mœurs d’Atticus étaient faciles ; c’était le plus aimable des Romains. La facile Cléopâtre se donna à Antoine aussi aisément qu’à César. Le facile Claude se laissait gouverner par Agrippine. Facile n’est là par rapport à Claude qu’un adoucissement ; le mot propre est faible.

Un homme facile est en général un esprit qui se rend aisément à la raison, aux remontrances, un cœur qui se laisse fléchir aux prières ; et faible est celui qui laisse prendre sur lui trop d’autorité.


FACTION[1].


De ce qu’on entend par ce mot.


Le mot faction venant du latin facere, on l’emploie pour signifier l’état d’un soldat à son poste, en faction ; les quadrilles ou les troupes des combattants dans le cirque ; les factions vertes, bleues, rouges, et blanches.

  1. Encyclopédie, tome VI, 1756. (B.)