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LETTRES SUR L’ŒDIPE.

Regnier, de l’Académie, avec qui l’auteur n’a rien de commun. Ils finissent par ces vers :

J’ai vu ces maux, et je n’ai pas vingt ans.

Il est vrai que je n’avais pas vingt ans alors ; mais ce n’est pas

    à me rendre responsable de toutes les sottises qui se débitaient dans Paris, et que moi-même je dédaignais de lire. Quand un homme a eu le malheur d’être calomnié une fois, il est sûr de l’être toujours, jusqu’à ce que son innocence éclate, ou que la mode de le persécuter soit passée ; car tout est mode en ce pays, et on se lasse de tout à la fin, même de faire du mal.

    « Heureusement ma justification est venue, quoique un peu tard ; celui qui m’avait calomnié et qui avait cause ma disgrâce m’a signé lui-même, les larmes aux yeux, le désaveu de sa calomnie, en présence de deux personnes de considération, qui ont signé après lui. M. le marquis de la Vrillière a eu la bonté de faire voir ce certificat à monseigneur le Régent.

    « Ainsi il ne manquait à ma justification que de la faire connaître au public. Je le fais aujourd’hui parce que je n’ai pas eu occasion de le faire plutôt ; et je le fais avec d’autant plus de confiance, qu’il n’y a personne en France qui puisse avancer que je suis l’auteur des choses dont j’ai été accusé, ni que j’en aie débité aucune, ni même que j’en aie jamais parlé que pour marquer le mépris souverain que je fais de ces indignités.

    « Je m’attends bien, etc. » (Voyez, ci-après, page 16 du texte.)

    Dans l’édition de 1775, Voltaire fit des additions et corrections à ce morceau. Il y a : « Quand un homme a eu le malheur d’être calomnié une fois, on dit qu’il le sera longtemps. On m’assure que de toutes les modes de ce pays-ci, c’est celle qui dure davantage.

    « La justification est venue, quoique un peu tard ; le calomniateur a signé, les larmes aux yeux, le désaveu de sa calomnie devant un secrétaire d’État ; c’est sur quoi un vieux connaisseur en vers et en hommes m’a dit : « Oh ! le beau billet qu’a La Châtre ! Continuez, mon enfant, à faire des tragédies ; renoncez à toute profession sérieuse pour ce malheureux métier ; et comptez que vous serez harcelé publiquement toute votre vie, puisque vous êtes assez abandonné de Dieu pour vous faire de gaieté de cœur un homme public. » Il m’en a cité cent exemples ; il m’a donné les meilleures raisons du monde pour me détourner de faire des vers. Que lui ai-je répondu ? Des vers.

    « Je me suis donc aperçu de bonne heure qu’on ne peut ni résister à son goût dominant, ni vaincre sa destinée. Pourquoi la nature force-t-elle un homme à calculer, celui-ci à faire rimer des syllabes, cet autre à former des croches et des rondes sur des lignes parallèles ?

    « Scit Genius, natale comes qui temperat astrum. »

    Horace, II, épître II, v. 187.

    « Mais on prétend que tous peuvent dire :

    « Ploravere suis non respondere favorem
    Speratum meritis
    . »

    Id., II, épître Ire, v. 2.

    « Boileau disait à Racine (épître VII, 43-45) :

    « Cesse de t’étonner si l’Envie animée,
    Attachant à ton nom sa rouille envenimée,
    La calomnie en main, quelquefois te poursuit. »

    « Scudéri et l’abbé d’Aubignac calomniaient Corneille ; Montfleury et toute sa