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THÉODOSE.

qu’au nom de Dieu, et ses sujets vivent en paix. Depuis longtemps le Thibet jouit des mêmes avantages sous le grand-lama ; mais c’est l’erreur grossière qui cherche à imiter la vérité sublime.

Les premiers Incas, en se disant descendants en droite ligne du soleil, établirent une théocratie : tout se faisait au nom du soleil.

La théocratie devrait être partout : car tout homme, ou prince, ou batelier, doit obéir aux lois naturelles et éternelles que Dieu lui a données.



THÉODOSE[1].


Tout prince qui se met à la tête d’un parti, et qui réussit, est sûr d’être loué pendant toute l’éternité si le parti dure ce temps-là ; et ses adversaires peuvent compter qu’ils seront traités par les orateurs, par les poëtes, et par les prédicateurs, commodes titans révoltés contre les dieux. C’est ce qui arriva à Octave-Auguste, quand sa bonne fortune l’eut défait de Brutus, de Cassius, et d’Antoine.

Ce fut le sort de Constantin, quand Maxence, légitime empereur élu par le sénat et le peuple romain, fut tombé dans l’eau et se fut noyé.

Théodose eut le même avantage. Malheur aux vaincus : bénis soient les victorieux ! voilà la devise du genre humain.

Théodose était un officier espagnol, fils d’un soldat de fortune espagnol. Dès qu’il fut empereur, il persécuta les anticonsubstantiels. Jugez que d’applaudissements, de bénédictions, d’éloges pompeux de la part des consubstantiels ! Leurs adversaires ne subsistent presque plus ; leurs plaintes, leurs clameurs contre la tyrannie de Théodose, ont péri avec eux, et le parti dominant prodigue encore à ce prince les noms de pieux, de juste, de clément, de sage, et de grand.

Un jour, ce prince pieux et clément, qui aimait l’argent à la fureur, s’avisa de mettre un impôt très-rude sur la ville d’Antioche, la plus belle alors de l’Asie Mineure ; le peuple, désespéré, ayant demandé une diminution légère et n’ayant pu l’obtenir, s’emporta jusqu’à briser quelques statues, parmi lesquelles il s’en trouva une du soldat père de l’empereur. Saint Jean Chrysostome,

  1. Addition faite en 1774, dans l’édition in-4o des Questions sur l’Encyclopédie. (B.)