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VIE DE M. J.-B. ROUSSEAU.

Il ne sortit de cette retraite que pour en aller faire une autre au noviciat des jésuites. Il crut que s’il pouvait mettre la religion dans ses intérêts, il serait sauvé. Il s’adressa au vieux P. Sanadon, qui était à la tête de ces retraites de dévotion. Il se confessa à lui, et lui jura qu’il n’était auteur d’aucune des choses qu’on lui attribuait. Il lui demanda la communion, prêt de faire serment sur l’hostie qu’il n’était point coupable. Le P. Sanadon ne crut devoir l’admettre ni à la communion, ni à cet étrange serment. C’est un fait que j’ai entendu conter au P. Sanadon, et dont plusieurs jésuites ont été informés.

Enfin, pendant que son procès s’instruisait, il se déroba à la justice, et se retira en Suisse, à Soleure, auprès du comte du Luc, ambassadeur de France, avec des lettres de recommandation de Mme de Bouzoles, de Mme de Fériol, et de quelques autres personnes.

Le parlement, saisi de l’affaire, le jugea le 7 avril 1712, Il y eut trois voix qui le condamnèrent à la corde, et le reste fut pour le bannissement. Voici l’arrêt qui fut rendu par la Tournelle criminelle.

ARRÊT DU PARLEMENT
contre j.-b. rousseau

De par le Roi, et Nosseigneurs de la cour du Parlement, on fait à savoir que, par arrêt de ladite cour du 7 avril 1712, la contumace a été déclarée bien instruite contre Jean-Baptiste Rousseau, de l’Académie royale des inscriptions ; et adjugeant le profit d’icelle, a été déclaré dûment atteint et convaincu d’avoir composé et distribué les vers impurs, satiriques et diffamatoires qui sont au procès, et fait de mauvaises pratiques pour faire réussir l’accusation calomnieuse qu’il a intentée contre Joseph Saurin, de l’Académie des sciences, pour raison de l’envoi desdits vers diffamatoires au café de la veuve Laurent.

Pour réparation de quoi, ledit Rousseau est banni à perpétuité du royaume ; enjoint à lui de garder son ban, sous les peines portées par la déclaration du roi. Tous et un chacun ses biens, situés en pays de confiscation, déclarés acquis et confisqués à qui il appartiendra ; sur iceux, et autres non sujets à confiscation, préalablement pris cinquante livres d’amende, et cent livres de réparation civile vers ledit Saurin ; et condamné aux dépens : et ladite condamnation sera écrite dans un tableau attaché dans un poteau qui sera planté en place de Grève.