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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VII.

en tournant sur elle-même, présenterait nécessairement des côtés plus faibles, et ensuite des côtés plus forts à pareille distance : ainsi les mêmes corps, dans toutes les occasions possibles, éprouvant tantôt un degré de gravitation, tantôt un autre à pareille distance, la loi de la raison inverse des carrés des distances et la loi de Kepler seraient toujours interverties ; or elles ne le sont pas, donc il n’y a dans toutes les planètes aucune partie moins gravitante qu’une autre.

En voici encore une démonstration. S’il y avait des corps en qui cette propriété fût différente, il y aurait des corps qui tomberaient plus lentement, et d’autres plus vite, dans la machine du vide ; or, tous les corps tombent dans le même temps, tous les pendules même font dans l’air de pareilles vibrations à égale longueur ; les pendules d’or, d’argent, de fer, de bois d’érable, de verre, font leurs vibrations en temps égaux : donc tous les corps ont cette propriété de la gravitation précisément dans le même degré, c’est-à-dire précisément comme leurs masses ; de sorte que la gravitation agit comme 100 sur 100 atomes, et comme 10 sur 10 atomes.

De vérité en vérité on s’élève insensiblement à des connaissances qui semblaient être hors de la sphère de l’esprit humain.

Newton a osé calculer, à l’aide des seules lois de la gravitation, quelle doit être la pesanteur des corps dans d’autres globes que le nôtre : ce que doit peser dans Saturne, dans le soleil, le même corps que nous appelons ici une livre ; et comme ces différentes pesanteurs dépendent directement de la masse des globes, il a fallu calculer quelle doit être la masse de ces astres. Qu’on dise après cela que la gravitation, l’attraction est une qualité occulte ! qu’on ose appeler de ce nom une loi universelle, qui conduit à de si étonnantes découvertes[1] !

  1. Dans les éditions de 1738 (où ce chapitre était le vingt-deuxième), et dans l’édition de 1741, on lisait de plus ici :

    « Il n’est rien de plus aisé que de connaître la grosseur d’un astre quelconque, dès qu’on connaît son diamètre : car le produit de la circonférence du grand cercle par le diamètre donne la surface de l’astre, et le tiers du produit de cette surface par le rayon fait la grosseur.

    « Mais, en connaissant cette grosseur, on ne connaît point du tout la masse, c’est-à-dire la quantité de la matière que l’astre contient ; on ne le peut savoir que par cette admirable découverte des lois de la gravitation.

    « 1° Quand on dit densité, quantité de matière, dans un globe quelconque, on entend que la matière de ce globe est homogène ; par exemple, que tout pied cubique de cette matière est également pesant.

    « 2° Tout globe attire en raison directe de sa masse ; ainsi, toutes choses