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DE LA FIGURE DE LA TERRE.




CHAPITRE IX.
Théorie de la terre ; examen de sa figure. — Histoire des opinions sur la figure de la terre. Découverte de Richer, et ses suites. Théorie de Huygens. Celle de Newton. Disputes en France sur la figure de la terre.


Je m’étendrai davantage sur la théorie de la terre.

D’abord j’examinerai sa figure, qui résulte nécessairement des lois de l’attraction et de la rotation de ce globe sur son axe.

Je ferai voir les mouvements qu’elle a, et je finirai cette théorie de notre globe par les preuves les plus évidentes de la cause des marées, phénomène inexplicable jusqu’à Newton, et devenu le plus beau témoignage des vérités qu’il a enseignées.

Je commence par la forme de notre globe.

Les premiers astronomes, en Asie et en Égypte, s’aperçurent bientôt, par la projection de l’ombre de la terre dans les éclipses de lune, que la terre est ronde ; les Hébreux, qui étaient de fort mauvais physiciens, l’imaginèrent plate ; il se figuraient le ciel comme un demi-cintre couvrant la terre, dont ils ne connaissaient ni la figure, ni la grandeur, mais dont ils espéraient être tôt ou tard les maîtres. Cette imagination d’une terre étroite et plate a longtemps prévalu parmi les chrétiens. Chez beaucoup de docteurs, au xve siècle, il était assez reçu que la terre était plate et longue d’orient en occident, et fort étroite du nord au sud. Un évêque d’Avila, qui écrivit en ce temps-là, traite l’opinion contraire d’hérésie et d’absurdité ; enfin la raison et le voyage de Christophe Colomb rendirent à la terre son ancienne forme sphérique. Alors on passa d’une extrémité à l’autre ; on crut la terre

    d’occident en orient est l’effet de la volonté libre du Créateur, et que cette volonté est l’unique raison de cette rotation.

    « La terre a un autre mouvement que ses pôles achèvent en 25,920 années : c’est la gravitation vers le soleil et vers la lune qui cause évidemment ce mouvement, par les mêmes raisons que le soleil et la terre agissent évidemment sur la lune.

    « La terre éprouve encore peut-être une révolution beaucoup plus étrange, dont la cause est plus cachée, dont la longueur étonne l’imagination, et qui semblerait promettre au genre humain une durée que l’on n’oserait concevoir. Cette période pourrait être de 1,944,000 ans. C’est ici le lieu d’insérer ce qu’on sait de cette étonnante découverte, avant que de finir le chapitre de la terre. »

    Ici les éditions de 1738 contiennent un long morceau intitulé Digression sur la période de 1,944,000 ans nouvellement découverte, que Voltaire reproduisit à peu près en 1741, et qu’on trouvera (formant le chapitre xi) dans la longue note à la suite du chapitre ix, ci-après. (B.)