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CONSEILS À M. HELVÉTIUS.

toujours à développer l’autre : c’est épargner de la peine au lecteur, soutenir son attention, et ménager sa curiosité. Les peintures y doivent être tellement variées que l’imagination soit toujours surprise et charmée.

troisième règle.

Il faut que les liaisons soient courtes, claires, et fassent aisément passer d’un objet à un autre. Elles sont souvent difficiles à trouver ; on ne les rencontre pas du premier coup : en général on doit beaucoup se méfier de son premier jet. Pour éviter de sacrifier des vers, des morceaux qui ont coûté du travail, peut-être conviendrait-il mieux de commencer par mettre sa première façon en prose.

quatrième règle.

Se hâter d’aller à la fin de son sujet, y entraîner son lecteur par la route la plus courte ; ne peindre d’un objet que ce qui est nécessaire à votre dessein principal ; ne pas trop s’appesantir sur les détails, quand les masses suffisent pour faire les impressions que vous désirez produire ; finir toujours, s’il est possible, par quelque morceau brillant et d’effet.

cinquième règle.

Ne pas établir la vérité qu’on veut prouver par des lieux communs de pensées triviales, d’images trop familières, et de maximes rebattues. Le détail des preuves doit être aussi soigneusement travaillé que toutes les autres parties de l’ouvrage. On peut toujours être neuf par la nouveauté des tours et la correction du style.

sixième règle.

Tourner autant que l’on peut en sentiment les réflexions sur les folies ou les malheurs des hommes. Il n’est point de meilleure manière d’embellir un ouvrage didactique et de le rendre intéressant, alors que chaque partie, traitée comme il convient à l’effet de l’ensemble, est soignée de façon qu’on imagine avoir atteint le mieux possible.

septième règle.

Quant aux peintures, leur effet dépend de la grandeur, de l’éclat, et de la manière neuve de faire voir un objet, et d’y faire