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SUR HERSTALL.

donc en possession de ses droits ; et l’évêque de Liége, qui avait cédé la juridiction de Marienbourg, resta sans équivalent.

Enfin, cent dix années après ce contrat inutile, une nouvelle minorité d’un autre prince de Nassau fit renaître l’ancienne injustice. Guillaume III, qui fut depuis ce fameux roi d’Angleterre, n’étant âgé que de cinq ans, fut la victime des prétentions de Liége. Le conseil de l’évêque prit une seconde fois l’occasion favorable d’opprimer un enfant.

L’archiduc Léopold, gouverneur des Pays-Bas, eut, en 1655, quelque intérêt de ménager Liége. L’évêque fit donc avec l’archiduc un troisième contrat qui ne valait pas mieux que les deux autres, et auquel il ne manqua que le repentir de l’archiduc pour ressembler en tout aux premiers. Il fut dit, par ce nouveau contrat inique, que provisionnellement, et sans préjudice des prétentions de S. M. le roi d’Espagne, qui possédait alors le Brabant, transport serait fait à l’évêque de la partie de Herstall dont il est question aujourd’hui.

Ce transport était une nouvelle injustice qui se manifestait d’elle-même : car ce mot seul prouvait que jamais les droits n’avaient été transportés à l’évêque. Il n’y avait point eu de domaine transféré. L’évêque n’avait donc, selon toutes les lois[1], aucun droit de domaine sur Herstall. Ces anciens contrats d’échange qu’on faisait revivre après plus de cent années, contrats odieux par leur iniquité, désavoués par la reine qui les passa, privés de toutes les formalités nécessaires, contraires à toutes les lois de l’empire et du Brabant, avaient encore pour surabondance de défaut la prescription de plus d’un siècle : car si rien ne prescrit contre les droits des fiefs de l’empire et des mineurs, un contrat d’échange inexécuté est assurément sujet à prescription.

Le prince de Liége, en 1655, ne se fit point de scrupule de dépouiller un mineur à main armée ; on força la maison de ville, on extorqua des habitants un hommage qu’ils n’étaient pas en droit de faire ; on mit en prison les serviteurs du prince d’Orange, on pilla leurs maisons, on blessa, on tua plusieurs personnes qui n’avaient d’autres crimes que d’être fidèles à leur devoir. Amélie d’Angleterre, mère du prince mineur, protesta vainement contre ces violences. Elle n’avait alors que des plaintes à opposer à la persécution.

Guillaume III, en 1666, n’était point encore assez puissant pour se faire raison de tant d’injustices ; mais on craignit qu’il ne

  1. « Non nudis pactis dominia transferuntur. » (Note de Voltaire.)