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DIALOGUES EN VERS.

Telle est la loi du ciel, dont la sage équité
Sème dans l’univers cette diversité.
Les Macédoniens aiment le monarchique ;
Et le reste des Grecs la liberté publique.
Les Parthes, les Persans, veulent des souverains ;
Et le seul consulat est bon pour les Romains
[1].


1° « Toutes sortes d’états reçus par tous les climats » n’est pas une bonne expression, attendu qu’un état est toujours état, quelque forme de gouvernement qu’il ait. De plus, on n’est point reçu par un climat.

2° Ce n’est point une injure qu’on fait à un peuple en changeant ses lois. On peut lui faire tort, on peut le troubler ; mais injure n’est pas le terme convenable et propre.

3° « Les Macédoniens aiment le monarchique. » Il sous-entend l’état monarchique ; mais ce mot état se trouvant trop éloigné, le monarchique est là un terme vicieux, un adjectif sans substantif.


Surtout qu’en vos écrits la langue révérée,
Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée
[2].


Tout ce morceau, d’ailleurs, est très-prosaïque.

Il est très-utile d’éplucher ainsi les fautes de style et de langage où tombent les meilleurs auteurs, afin de ne point prendre leurs manquements pour des règles, ce qui n’arrive que trop souvent aux jeunes gens et aux étrangers.

Brutus le consul, dans la tragédie de ce nom, s’exprime ainsi dans un cas fort approchant (acte I, sc. II) :


Arons il n’est plus temps : chaque État a ses lois,
Qu’il tient de sa nature, ou qu’il change à son choix.
Esclaves de leurs rois, et même de leurs prêtres,
Les Toscans semblent nés pour servir sous des maîtres,
Et, de leur chaîne antique adorateurs heureux,
Voudraient que l’univers fût esclave comme eux.
La Grèce entière est libre, et la molle Ionie
Sous un joug odieux languit assujettie.
Rome eut ses souverains, mais jamais absolus.
Son premier citoyen fut le grand Romulus.
Nous partagions le poids de sa grandeur suprême :

  1. Les observations sur ces vers ne se retrouvent pas dans le Commentaire
    sur Corneille.
  2. Boileau. Art poétique, I, 155-56.