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DE LA SERVANTE DE MADAME CALAS. 409

au quatrième étage, ayaut vue sur la rue, où étant parvenu nous avons trouvé ladite Jeanne Viguière dans son lit, par l'effet de la chute dont va être parlé, ayant une garde à côté d'elle, que nous avons fait retirer ; laquelle Jeanne Viguière, après serment par elle fait et prêté en nos mains de dire la vérité, nous a dit et dé- claré que, le lundi 16 février dernier, sur les quatre heures après raidi, étant sortie pour aller rue Montmartre, elle eut le malheur de tomber dans ladite rue, et de se casser la jambe droite ; que plusieurs personnes étant accourues à son secours, elle fut trans- portée sur-le-champ chez ladite dame Calas, son ancienne maî- tresse, où elle a toujours conservé sa demeure depuis qu'elle est à Paris, laquelle envoya chercher le sieur Botentuit oncle, maître en chirurgie, qui lui remit la jambe; que ladite dame Calas lui a donné une garde, qui est celle qui vient de se retirer, laquelle ne l'a point quittée depuis cet accident; que le sieur Botentuit a con- tinué de venir lui donner les soins dépendants de son état, les- quels ont été si heureux qu'elle n'a eu aucun accès de fièvre, qu'elle est actuellement à son quarante-unième jour sans qu'il lui soit survenu aucun autre accident ; qu'elle a reçu de ladite dame Calas tous les secours qu'elle pouvait espérer d'une ancienne maîtresse dont elle a éprouvé dans tous les temps mille marques de bonté ; qu'elle a appris avec la plus grande surprise qu'on avait débité dans le monde qu'elle, Jeanne Viguière, était morte, et que dans ses derniers moments elle avait déclaré devant notaires, qu'étant chez le feu sieur Jean Calas, son maître, elle avait em- brassé la rehgion protestante ; et que, par un prétendu zèle pour cette religion, elle avait, conjointement avec ledit sieur Calas, sa famille, et le sieur Lavaisse, donné la mort à Marc-Antoine Calas; qu'ensuite, ayant été constituée prisonnière, elle avait feint d'être toujours catholique, afin de n'être point soupçonnée de sauver sa vie, et, par son témoignage, celle de tous les autres accusés; mais que, se trouvant au moment de mourir, elle était rentrée dans les sentiments de la foi catholique, et qu'elle s'était crue obligée de déclarer la vérité qu'elle avait cachée, dont elle était, dit-on, fort repentante.

Que, pour arrêter les suites que pourrait avoir cette imposture, ladite Jeanne Viguière a cru devoir recourir à notre ministère, et requérir notre transport pour nous déclarer, comme elle le fait présentement, en son àme et conscience, que rien n'est plus faux que le bruit dont elle vient de nous rendre compte ; que son accident ne l'a jamais mise dans aucun danger de mort, mais que, quand cela aurait été, elle n'aurait jamais fait la déclaration

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