Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/424

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s’emparer de ses terres, qui a tué ceux qui ont résisté, et qui a fait ses esclaves des lâches auxquels il a laissé la vie.

IV.

Ce voleur, qui méritait la roue, s’est fait quelquefois dresser des autels. Le peuple asservi a vu dans les enfants du voleur une race de dieux ; ils ont regardé l’examen de leur autorité comme un blasphème, et le moindre effort pour la liberté comme un sacrilége.

V.

Le plus absurde des despotismes, le plus humiliant pour la nature humaine, le plus contradictoire, le plus funeste, est celui des prêtres ; et de tous les empires sacerdotaux, le plus criminel est sans contredit celui des prêtres de la religion chrétienne. C’est un outrage fait à notre Évangile, puisque Jésus dit en vingt endroits : « Il n’y aura parmi vous ni premier ni dernier[1] ; mon royaume n’est pas de ce monde[2] ; le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir etc.[3]. »

VI.

Lorsque notre évêque, fait pour servir, et non pour être servi ; fait pour soulager les pauvres, et non pour dévorer leur substance ; fait pour catéchiser, et non pour dominer, osa, dans des temps d’anarchie, s’intituler prince de la ville dont il n’était que le pasteur, il fut manifestement coupable de rébellion et de tyrannie.

VII.

Ainsi les évêques de Rome, qui avaient donné les premiers cet exemple fatal, rendirent à la fois et leur domination et leur secte odieuses dans la moitié de l’Europe ; ainsi plusieurs évêques en Allemagne devinrent quelquefois les oppresseurs des peuples dont ils devaient être les pères.

VIII.

Pourquoi est-il dans la nature de l’homme d’avoir plus d’horreur pour ceux qui nous ont subjugués par la fourberie que pour ceux qui nous ont asservis par les armes ? C’est que du moins il y a eu du courage dans les tyrans qui ont dompté les hommes ; et

  1. Marc, x, 31.
  2. Jean, xviii, 36.
  3. Matth., xx, 28.