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SERMON DES CINQUANTE.

On nous dit qu’il faut des mystères au peuple, qu’il faut le tromper. Eh ! mes frères, peut-on faire cet outrage au genre humain ? Nos pères n’ont-ils pas déjà ôté au peuple la transsubstantiation, l’adoration des créatures et des os des morts, la confession auriculaire, les indulgences, les exorcismes, les faux miracles, et les images ridicules ? Le peuple ne s’est-il pas accoutumé à la privation de ces aliments de la superstition ? Il faut avoir le courage de faire encore quelques pas : le peuple n’est pas si imbécile qu’on le pense ; il recevra sans peine un culte sage et simple d’un Dieu unique, tel qu’on nous dit qu’Abraham et Noé le professaient, tel que tous les sages de l’antiquité l’ont professé, tel qu’il est reçu à la Chine par tous les lettrés. Nous ne prétendons pas dépouiller les prêtres de ce que la libéralité des peuples leur a donné ; mais nous voudrions que ces prêtres, qui se raillent presque tous secrètement des mensonges qu’ils débitent, se joignissent à nous pour prêcher la vérité. Qu’ils y prennent garde, ils offensent, ils déshonorent la Divinité, et alors ils la glorifieraient. Que de biens inestimables seraient produits par un si heureux changement ! les princes et les magistrats en seraient mieux obéis ; les peuples, plus tranquilles ; l’esprit de division et de haine, dissipé. On offrirait à Dieu, en paix, les prémices de ses travaux ; il y aurait certainement plus de probité sur la terre, car un grand nombre d’esprits faibles qui entendent tous les jours parler avec mépris de cette superstition chrétienne, qui savent qu’elle est tournée en ridicule par tant de prêtres même, s’imaginent, sans réfléchir, qu’il n’y a en effet aucune religion : et sur ce principe ils s’abandonnent à des excès. Mais lorsqu’ils connaîtront que la secte chrétienne n’est en effet que le pervertissement de la religion naturelle ; lorsque la raison, libre de ses fers, apprendra au peuple qu’il n’y a qu’un Dieu ; que ce Dieu est le père commun de tous les hommes, qui sont frères ; que ces frères doivent être, les uns envers les autres, bons et justes ; qu’ils doivent exercer toutes les vertus ; que Dieu, étant bon et juste, doit récompenser ces vertus et punir les crimes : certes alors, mes frères, les hommes seront plus gens de bien, en étant moins superstitieux.

Nous commençons par donner cet exemple en secret, et nous osons espérer qu’il sera suivi en public.


Puisse ce grand Dieu qui m’écoute, ce Dieu qui assurément ne peut ni être né d’une fille, ni être mort à une potence, ni être mangé dans un morceau de pâte, ni avoir inspiré ces livres remplis de contradictions, de démence et d’horreur ; puisse ce Dieu,