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CHAPITRE XXV.

Si donc cet honnête homme propose de tuer le vingtième de la nation, pourquoi l’ami du P. Le Tellier n’aurait-il pas proposé de faire sauter en l’air, d’égorger et d’empoisonner le tiers ? Il est donc très-vraisemblable que la lettre au P. Le Tellier a été réellement écrite.

Le saint auteur finit enfin par conclure que l’intolérance est une chose excellente, « parce qu’elle n’a pas été, dit-il, condamnée expressément par Jésus-Christ ». Mais Jésus-Christ n’a pas condamné non plus ceux qui mettraient le feu aux quatre coins de Paris ; est-ce une raison pour canoniser les incendiaires ?

Ainsi donc, quand la nature fait entendre d’un côté sa voix douce et bienfaisante, le fanatisme, cet ennemi de la nature, pousse des hurlements ; et lorsque la paix se présente aux hommes, l’intolérance forge ses armes. Ô vous, arbitre des nations, qui avez donné la paix à l’Europe, décidez entre l’esprit pacifique et l’esprit meurtrier !


CHAPITRE XXV.


SUITE ET CONCLUSION.


Nous apprenons que le 7 mars 1763, tout le conseil d’État assemblé à Versailles, les ministres d’État y assistant, le chancelier y présidant, M. de Crosne, maître des requêtes, rapporta l’affaire des Calas avec l’impartialité d’un juge, l’exactitude d’un homme parfaitement instruit, l’éloquence simple et vraie d’un orateur homme d’État, la seule qui convienne dans une telle assemblée. Une foule prodigieuse de personnes de tout rang attendait dans la galerie du château la décision du conseil. On annonça bientôt au roi que toutes les voix, sans en excepter une, avaient ordonné que le parlement de Toulouse enverrait au conseil les pièces du procès, et les motifs de son arrêt qui avait fait expirer Jean Calas sur la roue. Sa Majesté approuva le jugement du conseil.

Il y a donc de l’humanité et de la justice chez les hommes, et principalement dans le conseil d’un roi aimé et digne de l’être. L’affaire d’une malheureuse famille de citoyens obscurs a occupé Sa Majesté, ses ministres, le chancelier et tout le conseil, et a été discutée avec un examen aussi réfléchi que les plus grands objets de la guerre et de la paix peuvent l’être. L’amour de