Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/405

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On prétend pourtant que vous êtes Anglais ; ah, monsieur ! vous êtes Anglais comme Arlequin est Italien : il n’en est pas moins balourd. Souvenez-vous de ce Grec qui voyageait en Scythie, et dont tout le monde se moquait : « Messieurs les Scythes, dit-il, vous devez me respecter : je suis du pays de Platon. » Un Scythe lui répondit : « Parle comme Platon, si tu veux qu’on t’écoute. » Je vous pardonne d’être un ignorant, mais je ne vous pardonne pas d’être un homme très-grossier, qui a l’insolence de mêler dans cette querelle et de nommer des gens qui ne devaient pas s’y attendre ; vous avez cru peut-être que votre obscurité vous mettrait à l’abri ; mais, croyez-moi, que le mépris auquel vous vous êtes attendu ne vous donne pas trop de sécurité.


SIXIÈME LETTRE.

laquelle n’est pas d’un proposant[1].

Notre ancien concitoyen[2] ayant écrit sur les miracles, un jeune proposant a demandé des instructions à un professeur qui a le mot pour rire[3]. M. Needham, qui n’est pas si plaisant, s’est cru sérieusement intéressé dans cette affaire. Il s’est imaginé qu’on parlait de lui sous le nom de Jésus-Christ. Ce M. Needham ne manque pas d’amour-propre, comme vous voyez ; il est comme cet histrion qui, jouant devant Auguste, prenait pour lui les applaudissements qu’on prodiguait à l’empereur.

Si on dit que Jésus-Christ a changé l’eau en vin, aussitôt M. Needham pense à sa farine qu’il a changée en anguilles, et il croit qu’il les faut faire cuire avec le vin des noces de Cana. Istius farinæ homines sunt admodum gloriosi, comme dit saint Jérôme.

M. Needham crie, comme une anguille qu’on écorche, contre un pauvre proposant de notre ville, qui ne savait pas que ce M. Needham fût au monde. Il est peut-être désagréable pour un

  1. On la croit de M. le capitaine Durôst. (Note de Voltaire.)
  2. Jean-Jacques Rousseau, qui, après avoir abdiqué à perpétuité son droit de cité dans la ville de Genève, en 1763, avait publié, l’année suivante, ses Lettres écrites de la montagne, dont la 2e et la 3e traitent particulièrement des miracles.
  3. Ce professeur, qui a le mot pour rire, n’est autre que M. Claparède, auquel les trois premières lettres furent réellement adressées, et qui, étant homme d’esprit, entendit très-bien la plaisanterie, et n’eut garde de répondre aux questions du malin proposant. (Cl.)