Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/447

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baron allemand fit plusieurs questions au savant ; il demanda, entre autres choses, si c’était le diable qui avait emporté Jésus-Christ sur le toit du temple et sur la montagne, ou si c’était Jésus qui avait emporté le diable. « C’est bien le diable, dit Needham ; ne voyez-vous pas que si le maître avait emporté le valet, il n’y aurait là aucun miracle ; au lieu que quand le valet emporte le maître, quand le diable emporte Dieu, c’est là la chose la plus miraculeuse qui ait jamais été faite ? Non-seulement il transporta Dieu sur une montagne de Judée d’où l’on découvre, comme vous savez, tous les royaumes ; mais il proposa à Dieu de l’adorer. C’est là le comble, c’est là ce qui doit ravir en admiration ! Lisez sur cet article dom Calmet : c’est je plus parfait des commentateurs, l’ennemi le plus sincère de notre misérable raison humaine. Il parle de cette affaire comme de ses vampires. Lisez dom Calmet, vous dis-je, et vous profiterez beaucoup. »

Il y avait là un Anglais qui n’avait encore ni parlé ni ri ; il mesura d’un coup d’œil la figure du petit Needham avec un air d’étonnement et de mépris, mêlé d’un peu de colère, et lui dit en anglais : « Do you come from Bedlam, you, booby[1] ! »

Ces terribles mots confondirent le pauvre prêtre. On eut pitié de lui ; on quitta la table.

Adieu, monsieur ; je me marie dans huit jours, et je vous prie à la noce.

EXTRAIT[2]

Du Du Projet des notes instructives, véridiques, théologiques, historiques et critiques, sur certaines brochures polémiques du temps, adressées aux dignes éditeurs des doctes ouvrages du proposant.

’Twas granted, tho’, he had much wit, etc.[3]

(Hudib.)

  1. Venez-vous de Bedlam, vous, nigaud !
  2. La brochure de 1769, dont j’ai parlé dans mon Avertissement (page 358), contient, comme je l’ai dit, des Remarques sur la seizième lettre du proposant (aujourd’hui la 17e). Il paraît qu’en 1765 ces Remarques avaient été publiées sous le titre de Projet de notes, qu’elles portent dans les éditions de 1765 et 1767 de la Collection des lettres. Needham n’a pas réclamé contre ces éditions ; mais il a supprimé, en 1769, les vers anglais et les vers grecs.

    L’opuscule entier de Needham était, dans les éditions de 1765 et 1767, placé après la vingtième et dernière lettre. Ce sont les éditeurs de Kehl qui, se bornant à un extrait, l’ont mis où il est aujourd’hui. (B.)

  3. Ces vers anglais veulent dire que M. Covelle le père n’a point d’esprit. Ah, monsieur Needham, est-ce de l’esprit qu’il faut dans des matières si graves ? Voilà la manie du siècle : vous ne songez qu’à être un bon plaisant ; vous sacrifiez tout à une raillerie. Ce n’est pas ainsi qu’en use M. Covelle, quand il défend la reli-