Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/452

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Beaudinet me l’a conseillé. Vous sentez bien qu’alors mon premier devoir sera de vous poursuivre. Épargnez-moi ce chagrin ; et si vous avez le malheur de n’être pas orthodoxe, c’est-à-dire si vous n’êtes pas de mon avis, n’offensez pas au moins les oreilles pieuses par des expressions libertines.

Comment a-t-il pu vous échapper, monsieur, de dire qu’il y a des fautes de copiste dans le Pentateuque[1] ? C’est parler contre votre conscience, c’est justifier l’opinion où est tout l’univers que vous êtes jésuite. Vous sentez bien qu’un livre divinement inspiré a dû être divinement copié. Si vous avouez que les scribes ont fait vingt fautes, vous avouez qu’ils en ont pu faire vingt mille. Vous donnez à entendre que l’esprit divin abandonna ce livre sacré aux erreurs des hommes ; par conséquent vous le soumettez à la critique comme les livres ordinaires ; ce n’est plus, selon vous, un ouvrage respectable ; vous détruisez le fondement de notre foi.

Croyez-moi, monsieur ; qui veut la fin veut les moyens. Si Dieu a parlé dans ce livre, il n’a pas souffert qu’aucun homme pût le faire parler autrement qu’il ne s’est exprimé.

Vous traitez ceux qui examinent l’Ancien Testament de « don Quichottes qui se battent contre des moulins à vent[2] ». Ah ! monsieur, l’Écriture sainte un moulin à vent ! quelle comparaison ! quelle expression ! Mlle Ferbot, qui est fille d’un meunier, et qui s’intéresse vivement aux moulins et à la vérité, en a été toute scandalisée. De plus, mon cher Needham, de quoi vous mêlez-vous ? On vous l’a déjà dit ; ne voyez-vous pas que tout ceci est une querelle politique entre Jean-Jacques Rousseau, M. Beaudinet, et moi, d’une part, et le consistoire de Neufchâtel, de l’autre ? Au lieu d’apaiser cette querelle, vous attaquez la chronologie de la Bible. Voici ce que vous dites dans votre brochure :

« La Vulgate fixe le déluge[3] à l’année du monde 1656, les Septante en 2262, et le Pentateuque samaritain en 2309. »

De là vous concluez que de ces trois exemplaires de l’Ancien Testament, il y en a deux qui sont visiblement erronés ; vous affectez de douter du troisième ; vous jetez une incertitude scandaleuse sur l’histoire du déluge ; et parce qu’il ne tombe que trente pouces d’eau tout au plus sur un canton dans les années

  1. Page 2 de votre admirable Projet de notes instructives, véridiques, théologiques, critiques, comiques et soporifiques, pour lesquelles vous êtes qualifié. (Note de Voltaire.)
  2. Page 2. (Id.)
  3. Voyez page 436.