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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/470

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NOTICE SUR MAXIME DE MADAURE.

Madaure, dans le pays qui est aujourd’hui celui d’Alger. Il vivait dans le commencement de la destruction de l’empire romain. Madaure, ville considérable par son commerce, l’était encore plus par les lettres : elle avait vu naître Apulée et Maxime. Saint Augustin, contemporain de Maxime, né dans la petite ville de Tagaste, fut élevé dans Madaure, et Maxime et lui furent toujours amis, malgré la différence de leurs opinions : car Maxime resta toujours attaché à l’antique religion de Numa, et Augustin quitta le manichéisme pour notre sainte religion, dont il fut, comme on le sait, une des plus grandes lumières.

C’est une remarque bien triste, et qu’on a faite souvent sans doute, que cette partie de l’Afrique qui produisit autrefois tant de grands hommes, et qui fut probablement, depuis Atlas, la première école de philosophie, ne soit aujourd’hui connue que par ses corsaires. Mais ces révolutions ne sont que trop communes : témoin la Thrace, qui produisit autrefois Orphée et Aristote ; témoin la Grèce entière, témoin Rome elle-même.

Nous avons encore des monuments de la correspondance qui subsista toujours entre le disert Augustin de Tagaste et le platonicien Maxime de Madaure. On nous a conservé les lettres de l’un et de l’autre. Voici la fameuse lettre de Maxime sur l’existence de Dieu, avec la réponse de saint Augustin, toutes deux traduites par Dubois[1] de Port-Royal, précepteur du dernier duc de Guise.


Lettre de Maxime de Madaure à Augustin[2].


Or, qu’il y ait un Dieu souverain qui soit sans commencement, et qui, sans avoir rien engendré de semblable à lui, soit néanmoins le père et le formateur de toutes choses, quel homme est assez grossier, assez stupide pour en douter ? C’est celui dont nous adorons sous des noms divers l’éternelle puissance, répandue dans toutes les parties du monde... Ainsi, honorant séparément, par diverses sortes de cultes, ce qui est comme ses divers membres, nous l’adorons tout entier... Qu’ils vous conservent, ces dieux subalternes, sous les noms desquels et par lesquels, tout autant de mortels que nous sommes sur la terre, nous adorons le père commun des dieux et des hommes, par différentes sortes de

  1. Philippe Goibaud Dubois, mort en 1694. Il avait commencé par être maître de danse, avant de traduire saint Augustin. (Cl.)
  2. Le texte que donne ici Voltaire n’est pas tout à fait la traduction de Dubois, que l’on peut voir tome XVIII, page 361.