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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/482

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PETIT COMMENTAIRE


alors que de misérables livres de controverse, indignes d’être lus par un roi. Mais Henri IV était instruit par l’adversité, par l’expérience de la vie privée et de la vie publique, enfin par ses propres lumières. Ayant été persécuté, il ne fut point persécuteur. Il était plus philosophe qu’il ne pensait, au milieu du tumulte des armes, des factions du royaume, des intrigues de la cour, et de la rage de deux sectes ennemies. Louis XIII ne lut rien, ne sut rien, et ne vit rien ; il laissa persécuter.

Louis XIV avait un grand sens, un amour de la gloire qui le portait au bien, un esprit juste, un cœur noble ; mais malheureusement le cardinal Mazarin ne cultiva point un si beau caractère. Il méritait d’être instruit, il fut ignorant ; ses confesseurs enfin le subjuguèrent : il persécuta, il fit du mal. Quoi ! les Sacy, les Arnauld, et tant d’autres grands hommes emprisonnés, exilés, bannis ! Et pourquoi ? parce qu’ils ne pensaient pas comme deux jésuites[1] de la cour ; et enfin son royaume en feu pour une bulle ! Il le faut avouer, le fanatisme et la friponnerie demandèrent la bulle, l’ignorance l’accepta, l’opiniâtreté la combattit. Rien de tout cela ne serait arrivé sous un prince en état d’apprécier ce que vaut une grâce efficace, une grâce suffisante, et même encore versatile.

Je ne suis pas étonné qu’autrefois le cardinal de Lorraine ait persécuté des gens assez malavisés pour vouloir ramener les choses à la première institution de l’Église : le cardinal aurait perdu sept évêchés et de très-grosses abbayes dont il était en possession. Voilà une très-bonne raison de poursuivre ceux qui ne sont pas de notre avis. Personne assurément ne mérite mieux d’être excommunié que ceux qui veulent nous ôter nos rentes. Il n’y a pas d’autre sujet de guerre chez les hommes : chacun défend son bien autant qu’il le peut.

Mais que dans le sein de la paix il s’élève des guerres intestines pour des billevesées incompréhensibles de pure métaphysique ; qu’on ait, sous Louis XIII, en 1624, défendu, sous peine de galères, de penser autrement qu’Aristote[2] ; qu’on ait anathématisé les idées innées de Descartes, pour les admettre ensuite[3] ; que de plus d’une question digne de Rabelais on ait fait une question d’État : cela est barbare et absurde.

On a demandé souvent pourquoi, depuis Romulus jusqu’au

  1. Voltaire désigne Le Tellier et Doucin, qui eurent pour coopérateur Lallemant ; voyez pages 39 et 350.
  2. Le parlement de Paris ; voyez tome XII, page 580, et XVI, page 21.
  3. La Sorbonne.