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quent et généreux M. de Beaumont ; mais, ayant considéré combien ces deux aventures sont étroitement unies à l’intérêt du genre humain, nous avons cru qu’il est du même intérêt d’attaquer dans sa source le fanatisme qui les a produites. Il ne s’agit que de deux familles obscures ; mais, quand la créature la plus ignorée meurt de la même contagion qui a longtemps désolé la terre, elle avertit le monde entier que ce poison subsiste encore. Tous les hommes doivent se tenir sur leurs gardes ; et, s’il est quelques médecins, ils doivent chercher les remèdes qui peuvent détruire les principes de la mortalité universelle.

Il se peut encore que les formes de la jurisprudence ne permettent pas que la requête des Sirven soit admise au conseil du roi de France, mais elle l’est par le public : ce juge de tous les juges a prononcé. C’est donc à lui que nous nous adressons ; c’est d’après lui que nous allons parler.

EXEMPLES DU FANATISME EN GÉNÉRAL.

Le genre humain a toujours été livré aux erreurs : toutes n’ont pas été meurtrières. On a pu ignorer que notre globe tourne autour du soleil ; on a pu croire aux diseurs de bonne aventure, aux revenants ; on a pu croire que les oiseaux annoncent l’avenir ; qu’on enchante les serpents ; que l’on peut faire naître des animaux bigarrés en présentant aux mères des objets diversement colorés ; on a pu se persuader que dans le décours de la lune la moelle des os diminue ; que les graines doivent pourrir pour germer[1], etc. Ces inepties au moins n’ont produit ni persécutions, ni discordes, ni meurtres.

Il est d’autres démences qui ont troublé la terre, d’autres folies qui l’ont inondée de sang. On ne sait point assez, par exemple, combien de misérables ont été livrés aux bourreaux par des juges ignorants, qui les condamnèrent aux flammes tranquillement et sans scrupule sur une accusation de sorcellerie. Il n’y a point eu de tribunal dans l’Europe chrétienne qui ne se soit souillé très-souvent par de tels assassinats juridiques pendant quinze siècles entiers ; et, quand je dirai que parmi les chrétiens il y a eu plus de cent mille victimes de cette jurisprudence idiote et barbare, et que la plupart étaient des femmes et des filles innocentes, je ne dirai pas encore assez.

Les bibliothèques sont remplies de livres concernant la juris-

  1. Première épître de saint Paul aux Corinthiens, XV, 36.