Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/150

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je prends la liberté de vous proposer un parti ; le voici. Je vous offre mon édition de quinze cents exemplaires à 2 livres en feuille, montant à 3,000 livres. L’ouvrage est désiré universellement. Je vous l’offre, dis-je, cette édition, de bon cœur, et je ne la ferai paraître que je n’aie auparavant reçu quelque ordre de votre part.

« J’ai l’honneur d’être, avec le respect le plus profond,

« Monsieur,
« Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
« Fez,
imprim.-libr., à Avignon[1].
« Avignon, 30 avril 1762. »

M. de Voltaire, accoutumé à de telles propositions de la part des polissons de la littérature[2], fut trop équitable pour acheter une édition aussi considérable à si vil prix. Il fit au libraire Fez son compte net. Il lui fit voir combien Nonotte et Fez perdraient à ce beau marché. Cette lettre fut imprimée par ceux qui impriment tout : on dit qu’elle est plaisante ; je ne me connais pas en raillerie, je ne cherche ici que la simple vérité.

VINGT-DEUXIÈME HONNÊTETÉ,
FORT ORDINAIRE.

Je reviens à toi, mon cher Nonotte, et ex-compagnon de Jésus ; il faut montrer à quel point tu es honnête et charitable, combien tu connais la vérité, combien tu l’aimes, et avec quel noble zèle tu te joins à un tas de gredins qui jettent de loin leurs ordures à ceux qui cultivent les lettres avec succès.

As-tu gagné par tes deux volumes les mille écus que tu vou-

  1. Voyez, dans la Correspondance générale, la réponse datée du 17 mai 1762.
  2. On trouve dans les Mélanges de littérature de M. de Voltaire une lettre semblable d’un nommé La Jonchère, et on y apprend aussi que les savants auteurs de l’Histoire de la régence, et de la Vie du duc d’Orléans régent, ont pris ce La Jonchère pour le trésorier général des guerres, à peu près comme de prétendus esprits fins prennent encore le jeune débauché obscur auteur du Pétrone pour le consul Pétrone, l’imbécile et dégoûtant vieillard Trimalcion pour le jeune empereur Néron, la sotte et vilaine Fortunata pour la belle Poppea, et Encolpe pour Sénèque. In omnibus rebus qui vult decipi decipiatur. (Note de Voltaire.) — Voltaire, n’ayant pas mis son nom aux Honnêtetés littéraires, et voulant faire croire qu’il n’en était pas l’auteur, pouvait se citer. (B.) — La lettre de La Jonchère est dans le Mémoire sur la Satire ; voyez tome XXIII, page 58. On peut voir, sur Pétrone, le chapitre xiv du Pyrrhonisme de l’histoire.