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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/288

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CHAPITRE XXVII.


CHAPITRE XXVII.

sottise infâme de l’écrivain qui a pris le nom de chiniac de la bastide duclaux, avocat au parlement de paris.

Après cet exposé fidèle, je dois témoigner ma surprise de ce que je viens de lire dans un commentaire nouveau du discours du célèbre Fleury sur les libertés de l’Église gallicane[1]. Je vais rapporter les propres paroles du commentateur, qui se déguise sous le nom de maître Pierre de Chiniac de La Bastide Duclaux, avocat au parlement. Il n’y a point assurément d’avocat qui écrive de ce style[2].

« Si on ne consultait que les Voltaire et ceux de son bord, on ne trouverait en effet que problèmes et qu’impostures dans nos historiens, » Ensuite cet aimable et poli commentateur, après avoir attaqué les gens de notre bord avec des compliments dignes en effet d’un matelot à bord, croit nous apprendre qu’il y a dans Ravenne une pierre cassée sur laquelle sont gravés ces mots : « Pipinus pius primus amplificandæ Ecclesiæ viam aperuit, et exarchatum Ravennæ cum amplissimis…. — Le pieux Pepin ouvrit le premier le chemin d’agrandir l’Église, et l’exarchat de Ravenne avec de très-grands…. » Le reste manque. Notre commentateur gracieux prend cette inscription pour un témoignage authentique. Nous connaissons depuis longtemps cette pierre : je ne voudrais point d’autre preuve de la fausseté de la donation. Cette pierre n’avait été connue qu’au xe siècle : on ne produisit point d’autre monument pour assurer aux papes l’exarchat ; donc il n’y en avait point. Si on faisait paraître aujourd’hui une pierre cassée avec une inscription qui certifiât que le pieux François Ier fit une donation du Louvre aux cordeliers, de bonne foi, le parlement regarderait-il cette pierre comme un titre juridique ? Et l’Académie des inscriptions l’insérerait-elle dans ses recueils ?

Le latin ridicule de ce beau monument n’est pas à la vérité un sceau de réprobation ; mais c’en est un que le mensonge avéré

  1. Réflexions importantes et apologétiques sur le nouveau Commentaire de M. l’abbé de Fleury, touchant les libertés de l’Église gallicane, 1766, in-12. (B.)
  2. L’avocat Chiniac est un personnage très-réel ; mais, quoique ce zélé défenseur de l’Église janséniste ait essuyé une accusation juridique d’adultère, et que ces procès fassent toujours rire, il n’en est pas plus connu, et n’a jamais pu réussir à occuper le public ni de ses ouvrages ni de ses aventures. (K.) — Né en 1741, Chiniac mourut en 1802.