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SUR L’INDE.

d’Omar : c’était sans doute parce que les Perses, ses voisins et ses ennemis, étaient de la secte d’Ali. La religion musulmane et la bramiste partagèrent l’Inde : elles se haïrent, mais sans persécution. Les mahométans vainqueurs n’en voulaient qu’aux bourses, et non aux consciences des Indous.

Humaiou[1], fils de Babar, régna dans l’Inde avec des fortunes diverses. C’était, dit-on, un bon astronome, et plus grand astrologue. Il avait sept palais, dédiés chacun à une planète. Il donnait audience aux guerriers dans la maison de Mars, et aux magistrats dans celle de Mercure. En s’occupant ainsi des choses du ciel, il risqua de perdre celles de la terre. Un de ses frères lui prit Agra, et le vainquit dans une grande bataille. Ainsi la maison de Tamerlan fut presque toujours plongée dans les guerres civiles.

Pendant que les deux frères se battaient et s’affaiblissaient l’un l’autre, un tiers s’empara des terres qu’ils se disputaient. C’était un aventurier du Candahar ; il se nommait Sher. Ce Sher mourut dans une de ses expéditions. Toute sa famille se fit la guerre pour partager les dépouilles, et pendant ce temps l’astrologue Humaiou était réfugié en Perse chez le sophi Thamas. On voit que la nation indienne était une des plus malheureuses de la terre, et méritait ses malheurs, puisqu’elle n’avait su ni se gouverner elle-même, ni résister à ses tyrans. L’écrivain persan fait un long récit de toutes ces calamités, bien ennuyeux pour quiconque n’est pas né dans l’Inde, et peut-être pour les naturels du pays. Quand l’histoire n’est qu’un amas de faits qui n’ont laissé aucune trace, quand elle n’est qu’un tableau confus d’ambitieux en armes, tués les uns par les autres, autant vaudrait tenir des registres des combats des bêtes.

Humaiou revint enfin de Perse, quand la plupart des autres usurpateurs qui l’avaient chassé se furent exterminés. Il mourut pour s’être laissé tomber de l’escalier d’une maison qu’il faisait construire ; mais qu’importe ? Ce qui importe, c’est que les peuples gémissaient et périssaient sur des ruines, non-seulement dans l’Inde, dans la Perse, mais dans l’Asie Mineure et dans nos climats.

Après Humaiou vint Acbar son fils, plus heureux dans l’Inde que tous ses prédécesseurs, et qui établit une puissance durable, au moins jusqu’à nos jours. Quand il succéda à son père par le

  1. M. Langlès le nomme Humayoun dans l’article Babour, et Houmajoun dans l’article Akbar de la Biographie universelle.