Avant de venir au mémorable siècle de Charlemagne, il fallut voir quelles révolutions avaient amené ce siècle dans notre Occident, et comment les deux religions chrétienne et musulmane s’étaient partagé le monde depuis le golfe de Perse jusqu’à la mer Atlantique. C’était un grand spectacle, mais une pénible recherche : il fallut presser cent quintaux de mensonges pour en extraire une once de vérités. La foule des anciens qui n’ont écrit que pour nous tromper est effrayante. Qu’on en juge seulement par cinquante évangiles apocryphes[1] écrits dès le ier siècle, et suivis sans interruption de fables absurdes, jusqu’aux Fausses Décrétales[2] forgées au siècle de Charlemagne, et jusqu’à la donation de Constantin[3] et cette donation de Constantin suivie de la Légende dorée[4], et cette Légende dorée renforcée par la Fleur des Saints[5] et cette Fleur des Saints perfectionnée par le Pédagogue chrétien[6] : le tout couronné par les miracles de l’abbé Pâris[7] dans le faubourg Saint-Médard, au xviiie siècle.
Nous osâmes d’abord douter de ces donations immenses faites aux évêques de Rome par Charlemagne et par son fils, et surtout des donations de pays que Charles et Louis le Faible ne possédaient pas : mais nous ne prétendîmes point mettre en doute le droit que les papes ont acquis par le temps sur le pays qu’ils possèdent. Ils en sont souverains, comme les évêques d’Allemagne sont souverains dans leurs diocèses. Leurs droits ne sont pas à la vérité écrits dans l’Évangile. Une religion formée par des pauvres, et qui anathématise la richesse et l’esprit de domination, n’a pas ordonné à ses prêtres de monter sur des trônes et d’armer leurs mains du glaive ; mais rien n’existe aujourd’hui de ce qu’était l’Église dans son origine : le temps a tout changé, et changera tout encore ; il a établi dans notre Occident les souverainetés des