Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
232
FRAGMENT

de hauteur avec laquelle ces bons Garasses nous attaquèrent sans relâche, et sans savoir jamais un mot de l’état de la question.

Nous fûmes obligé d’approfondir[1] l’étonnante aventure de la Pucelle d’Orléans, sur laquelle nous avions recueilli beaucoup de mémoires. Il fallut revenir sur une Marie d’Aragon[2], prétendue femme de l’empereur Othon III, qu’on fit passer, dit la Légende, pieds nus, sur des fers ardents. Il fallut leur prouver que la ville de Livron[3], en Dauphiné, fut assiégée par le maréchal de Bellegarde, qui leva le siége sous Henri III. Ils n’en savaient rien, et ils criaient que Livron n’avait jamais été une ville, parce que ce n’est aujourd’hui qu’un bourg. La chose n’est pas bien importante, mais la vérité est toujours précieuse.

Il fallut soutenir l’honneur de notre corps calomnié, et faire voir que Lognac[4], le chef des assassins qui massacrèrent le duc de Guise, n’avait jamais été du nombre des gentilshommes ordinaires de la chambre du roi ; qu’il était un de ces gentilshommes d’expédition, fournis par le duc d’Épernon, et payés par lui. Nous en avions cherché et trouvé des preuves dans les registres de la chambre des comptes.

Quelle perte de temps quand nous fûmes forcé[5] de leur prouver que la terre d’Yesso n’avait point été découverte par l’amiral Drake ! Et le petit nombre des lecteurs qui pouvaient lire ces discussions disait : Qu’importe ?

Enfin, dans deux volumes de nos Erreurs, ils trouvèrent le secret de ne pas mettre un seul mot de vérité.

Que firent-ils alors ? Ils nous appelèrent hérétique et athée. Ils envoyèrent leur libelle au pape ; ils s’adressaient mal. Le pape n’a pas accueilli, depuis peu, bien gracieusement leurs libelles.

Le jésuite Patouillet minuta contre nous un mandement d’évêque[6], dans lequel il nous traitait de vagabond, quoique nous demeurassions depuis vingt ans dans notre château ; et d’écrivain mercenaire, quoique nous eussions fait présent de tous nos ouvrages à nos libraires. Le mandement fut condamné, pour d’autres considérations plus sérieuses, à être brûlé par le bourreau. Nous continuâmes à chercher la vérité.

  1. Voyez tome XXIV, page 497 ; et XXVI, 148.
  2. Voyez tome XI, page 385 ; et XXIV, 507.
  3. Voyez tome XXIV, page 509; et XXVI, 146.
  4. Voyez tome XXIV, page 510.
  5. Voyez tome XXIV, page 512 ; et XXVI, 140.
  6. Voyez tome XXVI, page 155.