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SUR L’HISTOIRE GÉNÉRALE.

raisonnent mal, et qui se gouvernent bien : Messieurs, gardez-vous de l’abbé Sabatier, qui se conduit comme il raisonne. Aussi ne le voient-ils point ; il est également en horreur aux dévots et aux philosophes.

Quand le Système de la Nature fit tant de bruit, nous ne dissimulâmes point notre opinion sur ce livre[1] ; il nous parut une déclamation quelquefois éloquente, mais fatigante, contraire à la saine raison, et pernicieuse à la société. Spinosa du moins avait embrassé l’opinion des stoïciens, qui reconnaissent une intelligence suprême ; mais dans le Système de la Nature on prétend que la matière produit elle-même l’intelligence. S’il n’y avait là que de l’absurdité, on pourrait se taire. Mais cette idée est pernicieuse, parce qu’il peut se trouver des gens qui, ne croyant pas plus à l’honneur et à l’humanité qu’à Dieu, seront leurs dieux à eux-mêmes, et s’immoleront tout ce qu’ils croiront pouvoir s’immoler impunément. Les athées tartuffes seront encore plus à craindre. Un brave déiste, un sectateur du grand lama un peu courageux, peut avoir la consolation de tuer un athée sanguinaire qui lui demande la bourse le pistolet à la main ; mais comment se défendre d’un athée hypocrite et calomniateur, qui passe la journée dans l’antichambre d’un évêque ? etc.



FIN DU FRAGMENT SUR L’HISTOIRE GÉNÉRALE.


  1. Voyez tome XVIII, pages 97, 369.