Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/211

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LIVRE III.

Or le roi David avait vieilli, ayant beaucoup de jours ; et quoiqu’on le couvrît de plusieurs robes, il ne se réchauffait point. Ses officiers dirent donc : allons chercher une jeune fille pour le seigneur notre roi, et qu’elle reste devant le roi, et qu’elle le caresse, et qu’elle dorme avec le seigneur notre roi. Et ayant trouvé Abisag De Sunam, qui était très belle ; ils l’amenerent au roi, et elle coucha avec le roi, et elle le caressait ; et le roi ne forniqua pas avec elle[1]. Cependant Adonias, fils de David, disait : ce sera moi qui régnerai… il avait dans son parti Joab le général des armées, et Abiathar le grand-prêtre. Mais un autre grand-prêtre nommé Sadok, et le capitaine Banaia, et le prophete Nathan, et Séméi, n’étaient pas pour Adonias… ce prince donna un grand festin à tous ses freres et aux principaux de Juda ; mais il n’invita ni son frere Salomon, ni le prophete Nathan, ni Banaia, ni les autres prêtres. Alors Nathan dit à Bethsabé mere de Salomon : n’avez-vous pas ouï dire qu’Adonias s’est déja fait roi, et que notre seigneur David n’en sait rien ? Allez vite vous présenter au roi David ;… pendant que vous lui parlerez je surviendrai après vous, et je confirmerai tout ce que vous aurez dit…[2].

  1. le révérend pere Don Calmet observe qu’une jeune fille fort belle est très propre à ranimer un homme de soixante et dix ans ; c’était alors l’âge de David. Il dit qu’un médecin juif conseilla à l’empereur Frédéric Barberousse, de coucher avec de jeunes garçons et de les mettre sur sa poitrine. Mais on ne peut pas toute la nuit tenir sur sa poitrine un jeune garçon. On employe, ajoute-t-il, de petits chiens au même usage. Il faut que Salomon crût que son pere avait mis la belle Abisag à un autre usage, puisqu’il fit assassiner (comme nous le verrons) son frere ainé Adonias, pour lui avoir demandé Abisag en mariage ; comme s’il avait voulu épouser la veuve ou la concubine de son pere.
  2. M Huet ne passe pas sous silence, cette intrigue de cour ; il s’éleve violemment contre elle. On ne voit point, dit-il, le seigneur ordonner d’abord que l’on verse de l’huile sur la tête de Salomon, et qu’il soit oint et christ ; tout se fait ici par cabales. L’ordre de la succession n’était pas encore bien établi chez les juifs : mais il était naturel que le fils ainé succédât à son pere ; d’autant plus qu’il n’était point né d’une femme adultere, comme Salomon. L’auteur sacré ne présente pas Nathan comme un prophete inspiré de Dieu dans cette occasion, mais comme un homme qui est à la tête d’un parti, qui fait une brigue avec Bethsabé pour ravir la couronne à l’ainé, et qui emploie le mensonge pour parvenir à ses fins ; car il accuse Adonias de s’être fait roi ; et ce prince avait dit seulement, j’espere d’être