Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/305

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prison dans un climat tempéré et agréable au-delà de l’océan, si elles avaient bien vécu : les âmes des méchants allaient dans un pays froid et orageux. On a cru cette société une branche de celle des thérapeutes égyptiens, dont nous parlerons.

PHARISIENS.


les pharisiens formaient une école plus nombreuse et plus puissante dans l’état. Ils étaient le contraire des esséniens, entrant dans toutes les affaires autant que les esséniens s’en abstenaient. On pourrait en cela seul les comparer aux jésuites ; et les esséniens aux chartreux. Cette secte, très-étendue, ne fit pas un corps à part, quoique leur nom signifiât séparés ; point de college, de lieu d’assemblée, de dignité attachée à leur ordre, de regle commune, rien en un mot qui désignât une société particuliere. Ils avaient un très-grand crédit ; mais c’était comme en Angleterre, où tantôt les wighs et tantôt les toris dominerent, sans qu’il y eût un corps de toris et de wighs. Ces pharisiens ajoutaient à la loi du pentateuque la tradition orale, et par-là ils acquirent la réputation de savants. C’est sur cette tradition orale qu’ils admettaient la métempsychose ; et c’est sur cette doctrine de la métempsychose qu’ils établirent que les esprits malins, les âmes des diables, pouvaient entrer dans le corps des hommes. Toutes les maladies inconnues (et quelle maladie au fond ne l’est pas ! ) leur parurent des possessions de démons. Ils se vantèrent de chasser ces diables avec des exorcismes et une racine nommée barath. L’un d’eux forgea un livre intitulé la clavicule de Salomon, qui renfermait ces secrets. On peut juger si leur pouvoir de chasser les diables, pouvoir dont Jesus-Christ lui-même convient dans l’évangile de st Matthieu, augmenta leur crédit. On les révérait comme les interprêtes de la loi ; on s’empressait de s’initier à leurs mysteres. Ils enseignaient la résurrection et le royaume des cieux. Nos évangiles nous apprennent avec quelle véhémence Jesus-Christ se déclara contre eux. Il les appellait[1] hypocrites, sépulcres blanchis, race de viperes. Ces paroles ne s’adressaient pas à tous. Tous n’étaient pas sépulcres et viperes. Il n’y a gueres eu de société dont tous les membres fussent méchants. Mais plusieurs

  1. Saint Matthieu, chap. xxiii. (Note de Voltaire.)