Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/467

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SUR L'ESPRIT DES LOIS. 437

pourquoi la querelle de l'empire et du sacerdoce scandalisa et ensanglanta l'Europe pendant plus de six cents ans. Elle ne ren- dra point raison des liorreurs de la rose rouge et de la rose blanche, et de cette foule de têtes couronnées qui sont tombées en Angleterre sur les échafauds. Le gouvernement, la religion, l'éducation, produisent tout chez les malheureux mortels qui rampent, qui soutirent, et qui raisonnent sur ce globe.

Cultivez la raison des hommes vers le mont Vésuve, vers la Tamise, et vers la Seine ; vous verrez moins de Conradin livrés au l)ourreau suivant l'avis d'un pape, moins de Marie Stuart mourant par le dernier supplice, moins de catafalques élevés par des pénitents blancs à un jeune protestant coupable d'un suicide, moins de roues et de bûchers dressés pour des hommes innocents, moins d'assassins sur les grands chemins et sur les Heurs de lis^.

DE LA LOI SALIQUE 2.

La plupart des hommes qui n'ont pas eu le temps de s'in- struire, les dames, les courtisans, les princesses même, cjui ne connaissent la loi salique que par les propos vagues du monde, s'imaginent que c'est une loi fondamentale par laquelle autrefois la nation française, assemblée, exclut à jamais les femmes du trône. Nous avons déjà démontré qu'il n'y a point de loi fondamen- tale-^; et que s'il en existait une établie par des hommes, d'autres hommes peuvent la détruire. Il n'y a rien de fondamental que les lois de la nature posées par Dieu même. Mais voici de quoi il s'agit.

La tribu des Francs-Saliens, dont Clovis était le chef, ne pou- vait avoir de loi écrite. Elle se gouvernait par quelques coutumes, comme toutes les nations qui n'avaient pas été enchaînées et policées par les Romains. Ces coutumes furent, dit-on, rédigées depuis par écrit dans un latin inintelligible, par ce même Clotaire qui avait massacré les petits-fils de sa mère Clotilde presque entre ses bras, et qui depuis fit brûler son propre fils, sa femme et ses enfants. Ce prince parricide fut heureux, ou du moins le parut : car il recueillit toute la succession de la France orientale et occidentale. Il se peut qu'il fit publier la loi salique, parce

1. Les assassins sur les fleurs de lis sont messieurs du parlement. (G. A.)

2. Voyez ce que Voltaire a déjà dit de la loi salique, tome XIX, pages 176 et 607.

3. Essai sur les Mœurs, etc., chap. lxxv, tome Xlf, page 14; et dix-septième des Remarques, tome XXIV, page 574.

�� �