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DIALOGUES

qu’elle m’a prouvé, et ses œuvres dont je suis témoin. Je sais qu’il est, sans savoir ce qu’il est : bornons-nous donc à examiner ses œuvres.



SIXIÈME DIALOGUE.


Platon, Aristote, nous ont-ils instruits sur Dieu
et sur la formation du monde ?


Callicrate.

Eh bien ! dites-moi d’abord comment Dieu s’y prit pour former l’œuvre du monde. Quel est votre système sur cette grande opération ?

Évhémère.

Mon système sur les œuvres de Dieu, c’est l’ignorance.

Callicrate.

Mais si vous avez la bonne foi d’avouer que vous ne savez pas le secret de Dieu, vous aurez du moins la bonne foi de nous dire ce que vous pensez de ceux qui prétendent le savoir, comme s’ils avaient été dans son laboratoire. Aristote, Platon, vous ont-ils appris quelque chose ?

Évhémère.

Ils m’ont appris à me défier de tout ce qu’ils ont écrit. Vous savez que nous avons dans Syracuse la famille des Archimèdes, qui cultive la physique pratique de père en fils : c’est là la science véritable fondée sur l’expérience et sur la géométrie ; cette famille ira loin si elle continue, mais j’ai été bien étonné quand j’ai lu le divin Platon, qui a voulu aussi employer le peu qu’il savait de géométrie pour donner une apparence d’exactitude à ses imaginations.

Selon lui, Dieu se proposa d’arranger les quatre éléments suivant les dimensions d’une pyramide, d’un cube, d’un octaèdre, d’un icosaèdre, et surtout, dit-il, d’un dodécaèdre : la pyramide fut par sa pointe le séjour du feu ; l’air eut pour sa part l’octaèdre ; l’icosaèdre fut pour l’eau ; le cube appartint de droit à la terre par sa solidité ; mais le dodécaèdre est le triomphe de Platon. Car cette figure étant composée de douze faces, elle forme le zodiaque, composé de douze animaux : ces douze faces peuvent se diviser en trente parties, ce qui forme évidemment les trois cent soixante degrés du cercle que le soleil parcourt dans l’année.

Platon prit ces belles choses mot à mot chez Timée le