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REMARQUES SUR MÉDÉE

tragédie représentée en 1635




PRÉFACE DU COMMENTATEUR.

Nous commençons ce recueil par la Médée, parce que, dans ce poëme, on peut entrevoir déjà le germe des grandes beautés qui brillent dans les autres pièces. Nous rejetons à une autre place les six premières comédies[1], dans lesquelles il n'y a presque rien qui fasse apercevoir les grands talents de Corneille.

J'avoue cependant qu'il serait aujourd'hui inconnu, s'il n'avait lait que cette tragédie. Il était alors confondu parmi les cinq auteurs que le cardinal de Richelieu faisait travailler aux pièces dont il était l'inventeur. Ces cinq auteurs étaient, comme on sait, L'Estoile, fils du grand audiencier, dont nous avons les Mémoires ; Boisrobert, abbé de Châtillon-sur-Seine, aumônier du roi et conseiller d'État; Colletet, qui n'est plus connu que par les satires de Boileau, mais que le cardinal regardait alors avec estime; Rotrou, lieutenant civil au bailliage de Dreux, homme de génie ; Corneille lui-même, assez subordonné aux autres, qui l'emportaient sur lui par la fortune ou par la faveur.

Corneille se retira bientôt de cette société, sous le prétexte des arrangements de sa petite fortune, qui exigeaient sa présence à Rouen.

Rotrou n'avait encore rien fait qui approchât même du médiocre. 11 ne donna son Venceslas que quatorze ans après la Médée, en 1649, lorsque Corneille, qui l'appelait son père, fut devenu son maître, et que Rotrou, ranimé par le génie de Cor-

  1. Ces six comédies sont Mélite (jouée en 1623); Clitandre (1632); la Veuve (1639) ; la Galerie du Palais (1634) ; la Suivante (1634) ; la Place royale (1635). Ces six comédies n'ont été le sujet d’aucune remarque de Voltaire, qui les a rejetées à la fin de son édition, ainsi que l’Illusion, comédie de Pierre Corneille, jouée en 1636; voyez son Avis à la fin des remarques sur les pièces de théâtre.