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EXCUSE A ARISTE. 207

la dispensation de ses trésors et de ses grâces, donne indifféremment la beauté du corps aux méchantes âmes et aux bonnes.

Cette imitation du ciel fait voir qu'on était éloigné de la véri- table éloquence, et qu'on cherchait de l'esprit à quelque prix que ce fût.

Néanmoins la naïveté et la véhémence de ses passions, la force et la déli- catesse de plusieurs de ses pensées, et cet agrément inexplicable qui se môle dans tous ses défauts, lui ont acquis un rang considérable entre les poëmes françois de ce genre, etc.

Ces dernières lignes sont un aveu assez fort du mérite du Cid; on en doit conclure que les beautés y surpassent les défauts, et que, par le jugement de l'Académie, Scudéri est beaucoup plus condamné que Corneille*.

��EXCUSE A ARISTE \

Ce n'est donc pas assez, et de la part des muses,

Ariste, c'est en vers qu'il vous faut des excuses;

Et la mienne pour vous n'en plaint pas la façon :

Cent vers lui coûtent moins que deux mots de chanson;

Son feu ne peut agir quand il faut qu'il s'explique ^

Sur les fantasques airs d'un rêveur de musique,

Et que, pour donner lieu de paroitre à sa voix.

De sa bizarre quinte il se fasse des lois;

Qu'il ait sur chaque ton ses rimes ajustées.

Sur chaque tremblement ses syllabes comptées.

Et qu'une foible pointe à la fin d'un couplet

En dépit de Phébus donne à l'art un soufflet :

Enfin cette prison déplaît il son génie :

Il ne peut rendre hommage à celte tyrannie;

1. Les deux pièces devers imprimées à la suite des Sentiments de l'Académie, dans l'édition commentée, ne se trouvant pas dans quelques éditions du Théâtre de Corneille, on a cru devoir les donner ici en entier avec les remarques au bas des pages. (K.)

2. Voici cette épître de Corneille qu'on prétend qui lui attira tant d'ennemis; mais il est très-vraisemblable que le succès du Cid lui en fit bien davantage : elle paraît écrite entièrement dans le goût et dans le style de Régnier, sans grâces, sans finesse, sans élégance, sans imagination ; mais on y voit de la facilité et de la naïveté. (A'o(e de Voltaire.)

3. Êdit. oriij. : qu'il s'applique.

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