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ACTE I, SCÈNE I. 273

Il est vrai que ce rôle n'est \rds nécessaire à la pièce; mais j'ose ici être moins sévère que Corneille. Ce rôle est du moins incorporé à la tragédie. C'est une femme qui tremble pour son mari et pour son frère. Elle ne cause aucun événement, il est vrai : c'est un défaut sur un théâtre aussi perfectionné que le nôtre; mais elle prend part à tous les événements, et c'est beau- coup pour un temps où l'art commençait à naître.

Observez que ce personnage débite souvent de très-beaux vers, et qu'il fait l'exposition du sujet d'une manière très-inté- ressante et très-noble.

Mais observez surtout que les beaux vers de Corneille nous enseignèrent à discerner les mauvais. Le goût du public se forma insensiblement par la comparaison des beautés et des défauts. On désapprouve aujourd'hui cet amas de sentences, ces idées générales retournées en tant de manières, l'ébranlement qui sied aux fermes courages, l'esprit le plus mâle, le moins abattu : c'est l'auteur qui parle, et c'est le personnage qui doit parler.

Vers 3. Si près de voir sur soi fondre de tels orages,

L'ébranlement sied bien aux plus fermes courages.

Si près de voir n'est pas français : près de veut un substantif, près de la ruine, près d'être ruinè^.

Vers 8. Le trouble de mon cœur ne peut rien sur mes larmes.

Un trouble qui a du pouvoir sur des larmes: cela est louche et mal exprimé.

Vers 11. Quand on arrête là les déplaisirs d'une âme...

Quand on arrête là ne serait pas souffert aujourd'hui ; c'est une expression de comédie.

Vers 12. Si Ton fait moins qu'un homme, on fait plus qu'une femme.

Cette petite distinction, moins qu'un homme, plus qu'une femme, est trop recherchée pour la vraie douleur.

Elle revient encore une troisième fois à la charge pour dire qu'elle ne pleure point.

Vers 23. Je suis Romaine, hélas! puisque Horace est Romain. Il y avait dans les premières éditions :

\ . Près d'être ruiné contredit la remarque. Voyez, tome XIV, la note 1 de la page 418.

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