Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE I, SCÈNE I. 321

On y trouvait de l'amplification. Ceux qui fréquentent les spectacles disaient qu'Émilie ne devait pas ainsi se parler à elle-même, se faire des objections et y répondre ; que c'était une déclamation de rhétorique ; que les mêmes choses qui seraient très-convenables quand on parle à sa confidente sont très-déplacées quand on s'entretient toute seule avec soi-même ; qu'enfin la longueur de ce monologue y jetait de la froideur, et qu'on doit toujours supprimer ce qui n'est pas nécessaire.

Cependant j'étais si touché des beautés répandues dans cette première scène que j'engageai l'actrice qui jouait Émilie à la remettre au théâtre ; et elle fut très-bien reçue.

Vers 1. Impatients désirs d'une illustre vengeance, etc.

Quand il se trouve des acteurs capables de jouer Cinna, on retranche assez communément ce monologue. Le public a perdu le goût de ces déclamations : celle-ci n'est pas nécessaire à la pièce. Mais n'a-t-elle pas de grandes beautés? n'est-elle pas majestueuse, et même assez passionnée? Boileau trouvait dans ces impatients désirs, enfants du ressentiment, embrassé par la douleur, une espèce de famille : il prétendait que les grands intérêts et les grandes passions s'expriment plus naturellement ; il trouvait que le poète paraît trop ici, et le personnage trop peu.

Vers 3. Vous prenez sur mon âme un trop puissant empire.

Il y avait dans les premières éditions : vous régnez sur mon âme avecque trop d'empire ; avecque faisait un son dur et traînant, comme on l'a déjà remarqué1. On ne peut corriger mieux.

Vers 9. Quand je regarde Auguste au milieu de sa gloire.

Il y avait dans les premières éditions : au trône de sa gloire.

Vers 10. Et que vous reprochez à ma triste mémoire Que, par sa propre main, mon père massacré Du trône où je le vois fait le premier degré.

Ces désirs rappellent à Émilie le meurtre de son père, et ne le lui reprochent pas. Il fallait dire : Vous me reprochez de ne l'avoir pas encore vengé; et non pas : Vous me reprochez sa proscription, car elle n'est certainement pas cause de cette mort.

1. Page 291. 31. — Comm sur Corneille. I. 21