Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/339

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ACTE II, SCiiNE I. 329

Féiiclon, dans sa LclU-e à l'Acadôinic sur l'idoquenrc, dit : «. II me semble qu'on a donné souvent aux llomains un discours trop fastueux; je ne trouve point de proportion entre l'emphase avec laquelle Auguste parle dans la tragédie de Cinna, et la modeste simplicité avec laquelle Suétone le dépeint. » Il est vrai ; mais ne laut-il pas quelque chose de j)lus relevé sur le théûtre que dans Suétone ? Il y a un milieu à garder entre l'enflure et la simplicité. Il faut avouer (pie Corneille a ([iiel([uefois passé les bornes.

L'archevêque de Cambrai avait d'autant plus raison de re- prendre cette endure vicieuse que, de son temps, les comédiens chargeaient encore ce défaut par la plus ridicule affectation dans l'habillement, dans la déclamation, et dans les gestes. On voyait Auguste arriver avec la démarche d'un matamore, coifi'é d'une perruque carrée qui descendait par devant jusqu'à la ceinture; cette perruque était farcie de feuilles de laurier, et surmontée d'un large chapeau avec deux rangs de plumes rouges. Auguste, ainsi défiguré par des bateleurs gaulois sur un théâtre de marion- nettes, était quelque chose de bien étrange. Il se plaçait sur un énorme fauteuil à deux gradins, et Maxime et Cinna étaient sur deux petits tabourets. La déclamation ampoulée répondait parfaitement à cet étalage, et surtout Auguste ne manquait pas de regarder Cinna et Maxime du haut en bas avec un noble dédain, en prononçant ces vers ;

Enfin tout ce qu'adore en ma liaute fortune D'un courtisan flatteur la présence importune.

Il faisait bien sentir que c'était eux qu'il regardait comme des courtisans flatteurs. En effet, il n'y a rien dans le commen- cement de cette scène qui empêche que ces vers ne puissent être joués ainsi. Auguste n'a point encore parlé avec bonté, avec amitié, à Cinna et à Maxime; il ne leur a encore parlé que de son pouvoir absolu sur la terre et sur l'onde. On est même un peu surpris qu'il leur propose tout d'un coup son abdication à l'empire, et qu'il les ait mandés avec tant d'empressement pour écouter une résolution si soudaine, -^ans aucune préparation, sans aucun sujet, sans aucune raison prise de l'état présent des choses.

Lorsque Auguste examinait avec Agrippa et avec Mécène s'il devait conserver ou abdiquer sa puissance, c'était dans des occa- sions critiques qui amenaient naturellement cette délibération ; c'était dans l'intimité de la conversation, c'était dans des effusions

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