Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/55

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aucun art. Il fut plus de six cents ans sans aucun commerce avec les autres peuples, et même avec ses voisins d’Égypte et de Phénicie. Cela est si vrai que Flavius Josèphe, leur historien, en convient formellement, dans sa réponse à Apion d’Alexandrie, réponse faite sous Titus à cet Apion, qui était mort du temps de Néron.

Voici les paroles de Flavius Josèphe au chapitre IV : « Le pays que nous habitons étant éloigné de la mer, nous ne nous appliquons point au commerce, et n’avons point de communication avec les autres peuples ; nous nous contentons de fertiliser nos terres, et de donner une bonne éducation à nos enfants. Ces raisons, ajoutées à ce que j’ai déjà dit, font voir que nous n’avons point eu de communication avec les Grecs, comme les Égyptiens et les Phéniciens, etc. »

Nous n’examinerons point ici dans quel temps les Juifs commencèrent à exercer le commerce, le courtage, et l’usure, et quelle restriction il faut mettre aux paroles de Flavius Josèphe. Bornons-nous à faire voir que les Juifs, tout plongés qu’ils étaient dans une superstition atroce, ignorèrent toujours le dogme de l’immortalité de l’âme, embrassé depuis si longtemps par toutes les nations dont ils étaient environnés. Nous ne cherchons point à faire leur histoire : il n’est question que de montrer ici leur ignorance.


Chapitre II. Que les Juifs ignorèrent longtemps le dogme de l’immortalité de l’âme.

C’est beaucoup que les hommes aient pu imaginer par le seul secours du raisonnement qu’ils avaient une âme : car les enfants n’y pensent jamais d’eux-mêmes ; ils ne sont jamais occupés que de leurs sens, et les hommes ont dû être enfants pendant bien des siècles. Aucune nation sauvage ne connut l’existence de l’âme. Le premier pas dans la philosophie des peuples un peu policés fut de reconnaître un je ne sais quoi qui dirigeait les hommes, les animaux, les végétaux, et qui présidait à leur vie : ce je ne sais quoi, ils l’appelèrent d’un nom vague et indéterminé qui répond à notre mot d’âme. Ce mot ne donna chez aucun peuple une idée distincte. Ce fut, et c’est encore, et ce sera toujours, une faculté, une puissance secrète, un ressort, un germe inconnu par lequel nous vivons, nous pensons, nous sentons ; par