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350 REMARQUES SUR RODOGUNE.

Vers 14. La paix qu'elle a jurée en a calmé la haine.

On ne doit jamais se servir de la particule en dans ce cas-ci. Il l'allait la paix qu'elle a jurée a dû calmer sa haine. Cet en n'est pas français. On ne dit iw'ml: j'en crains le courroux, j'en vois l'amour, pour j/'e crains son courroux, je vois son amour.

Vers 16. La paix souvent n'y sert que d'un amusement.

Ces réflexions générales et politiques sont-elles d'une jeune femme? Qu'est-ce que la i)aix qui sert d'amusement à la haine?

Vers 17. Et dans l'état où j'entre, à te parler sans feinte.

On n'entre point dans un état; cela est prosaïque et impropre.

Vers 18. Elle a lieu de me craindre, et je crains cette crainte. Cela ressemble trop à un vers de parodie.

Vers 19. Non qu'enfin je ne donne au bien des deux États Ce que j'ai dû de haine à de tels attentats.

Elle n'a point parlé de ces attentats : l'auteur les a en vue, il répond à son idée; mais Rodogune, par ce mot tels, suppose (ju'elle a dit ce qu'elle n'a point dit. Cependant le spectateur est si instruit des attentats de Cléopàtre (ju'il entend aisément ce que Rodogune veut dire. Je ne remarque cette négligence, très- légère, que pour faire voir combien l'exactitude du style est nécessaire.

Vers 22. Mais une grande offense est de cette nalure Que toujours son auteur impute à l'offensé Un vif ressentiment dont il le croit blessé;

maxime toujours trop générale, dissertation politique qui est un peu longue, et qui n'est pas exprimée avec assez d'élégance et de force. De cette nature que, jamais ne s'y fie, etc. ; il vaut toujours mieux faire parler le sentiment ; c'est là le défaut ordinaire de Corneille. Rodogune se plaignant de Cléopàtre, et exprimant ce ([u'ellc craint d'un tel caractère, ferait bien plus d'effet qu'une dissertation. Peut-être que Corneille a voulu ))réparerun pen par ce ton polili(iue la proposition atroce que fera Rodogune à ses amants ; mais aussi toutes ces sentences, dans le goût de Machia- vel, ne préparent point aux tendresses de l'amour et à ce carac- tère d'innocence timide (pie lîodogunc prendra bientôt. Cela fait voir combien celte pièce était dillicileà faire, et de quel embarras l'auteur a eu à se tirer.

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